Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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ceux qui ont interest à l’Estat, de peur de l’ébranler au dedans, lors qu’il
est agité au dehors, par vne guerre entreprise depuis tant d’années contre
vn puissant Roy qui nous a cousté tant de richesses & tant d’hommes. Ie
ne conçois pas, dis-je, comme en cette situation d’affaires, on a osé arrester
des Princes, que la conseruation de la France regarde, que leur naissance
admet à l’administration de l’Estat, & dont la detention est capable
de troubler tout le Royaume. Mais les arrester sans la participation des
Parlemens, sans la conuocation des Estats, enfin sans qu’on voye que
Monsieur le Duc d’Orleans, qui apres la Reine doit prendre le soin principal
de la conduite des choses, y ait apporté son consentement : En quoy
il semble d’abord que le Cardinal Mazarin ait eu quelque égard à la reputation
de ce Prince, n’employant point son authorité pour appuyer vn
tel attentat. Il est vray pourtant qu’il ne pouuoit marquer plus visiblement
le mespris de son Altesse Royale, qu’en faisant voir que dans les
choses de cette importance, il n’a pas besoin de son nom, qu’il supprime
comme inutile, & qu’il auilit en le taisant. Or bien que la puissance de
nos Rois soit entierement independante, qu’ils ne reconnoissent que
Dieu au dessus d’eux, & qu’ils ne doiuent qu’à luy seul leurs actions :
Neantmoins puisque ces mesmes Rois qui ont affermy les fondemens de
nostre Empire, & estably les droits si absolus dans leur Monarchie, ont
iugé necessaire pour sa conseruation, que pendant la minorité de leurs
Successeurs & la foiblesse de leur aage, le Royaume fut conduit par le
Conseil des Princes de leur Sang, & que dans les affaires de la derniere
importance, ceux qu’on institueroit Regens eussent besoin de consulter
les Estats du Royaume pour les resoudre & les entreprendre. Le Cardinal
Mazarin peut-il en cette occasion se seruir du pretexte de cette toute-puissance ?
Veu que le Roy est mineur, & que la resolution d’vne affaire
si dangereuse a esté cachée à tous les Ordres du Royaume, comme vne
conspiration, si ce n’est que l’on veüille dire, que le pouuoir de la Monarchie
reside en son Ministeriat, & qu’vn homme que sa naissance doit
exclure de la participation de nos affaires, ait la puissance de renuerser les
Loix fondamentales de nostre pays. Ce qui semble si estrange, que ie ne
doute point MESSIEVRS, que vous ne conceuiez vne iuste indignation,
& qu’estans les conseruateurs de ces Loix que vous voyez violées
auec tant d’insolence, vous n’apportiez vostre authorité & vostre force à
punir l’autheur d’vn si grand desordre.

 

Mais il peut estre que le Cardinal Mazarin a eu des causes si pressantes
d’agir comme il a fait, qu’elles sont capables sinon d’excuser, au moins
d’amoindrir sa faute. Les Princes estoient peut-estre preuenus de crimes
qui offensoient la Majesté du Roy, peut-estre y alloit-il du salut de l’Estat
à les laisser libres plus long temps. Vous auez veu, MESSIEVRS, les
choses dont il les accuse, il n’y a rien de reel, il n’y a rien d’apparent,



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