Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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le Prince obeyt selon sa coustume, laissa le commandement de l’Armée
à vn amy du Cardinal Mazarin, & r’assura par sa presence, cet esprit
foible que sa conscience espouuentoit, cependant il l’accuse de son seiour
à la Cour. Il n’y a, ce me semble, rien de plus estrange que cette injustice, si
ce n’est son ingratitude. Bien est-il vray Messieurs, & ie ne le nie pas, que
pendant ce seiour Monsieur le Prince s’appliqua tout entier à vne caballe :
& sur cela le Cardinal Mazarin a raison. Mais cette caballe est de telle nature,
que Monsieur mon frere en fait sa plus grande gloire : & qu’il pense
que son succez est le plus important seruice qu’il ait rendu à l’Estat ; ie
m’asseure aussi que vous n’en disconuiendrez pas, quant ie vous auray
dit que ce fut luy seul qui entreprit, qui opiniastra, & qui fit resoudre le
retour du Roy à Paris. Vous sçauez en quel estat estoit la France, en quel
estat estoit la Ville, en quel estat estoient les affaires, que tout sembloit
ruiné sans ce retour ; & cependant c’est vn des principaux sujets de la hayne
du Cardinal Mazarin, & vn des plus grands crimes de Monsieur le Prince.
Cet estranger à qui vn Parisien estoit vn Monstre, à qui vn Conseiller
donnoit de l’effroy, à qui l’image du Parlement venerable aux gens de
bien paroissoit plus effroyable que l’image de l’Enfer ; dés que Monsieur
le Prince proposa le voyage de Paris, fit tous ses efforts pour le rompre,
sousleua tout le monde contre ce dessein : voulut mettre des soupçons criminels
de vostre fidelité dans l’esprit de leurs Majestez. Ces obstacles
estoient grands, ils estoient difficiles à vaincre, la patience & la vigueur
de Monsieur mon frere, l’amour qu’il auoit pour la patrie, la consideration
particuliere qu’il fit de Paris en vindrent à bout. Il persuada le retour à
Monsieur d’Orleans, il le persuada à la Reyne : De sorte que le Cardinal
Mazarin qui par la seule crainte de sa personne retardoit le souhait vniuersel
de tous les peuples, & le bien de l’Estat, fut enfin contraint de ceder,
se plaignant neantmoins tout haut qu’on luy faisoit violence : & que
Monsieur le Prince le poussoit dans le precipice. Quant Monsieur le Prince
n’auroit fait que cette action, il me semble que vostre Compagnie, il me
semble que Paris ont assez d’obligation de rendre la liberté à celuy qui
leur a rendu leur Roy. Veu mesmes qu’outre tous ces crimes supposez de
ce libelle, il n’en est point accusé d’vn plus estrange, que de vous auoir ramené
vostre Monarque, & que c’est celuy mesmes qui l’en empeschoit
qui le retient prisonnier contre le droit des gens, contre vos Declarations
proche vos portes.

 

Vn seul exemple suffira pour respondre à l’objection que l’on fait à
Monsieur le Prince de tant de batailles qu’il a hazardées : ou pour accroistre
sa reputation par la victoire, ou pour se rendre plus necessaire par leur
perte, comme dit l’autheur de la Lettre, mesurant la grande ame de ce
Prince, dont la gloire est sans tache, à la bassesse de la sienne, qui pour vn
mediocre auantage de la fortune endureroit vn affront. La derniere année



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