Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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reglent au lieu de les corrompre. Ie pretends au contraire qu’on a l’obligation
à Monsieur le Prince, d’auoir restably ces vertus parmy nos gens de
guerre, on luy a obligation que les troupes de sa Maison qu’on a maintenant
cassées, furent les seules qui empescherent l’Armée de se débander
l’année derniere, lors que n’estant point payée elle vouloit se deserter. Mais
afin de faire mieux voir qu’il a retranché la profusion de nos Armées, il
faut remarquer que depuis le commencement de la guerre, outre la paye,
que nos soldats tiroient pour leur seruice ordinaire, s’il falloit remuer la
terre, la seule force de l’argent les faisoit trauailler : Les moindres sieges
nous coustoient des sommes immenses, au lieu que Monsieur mon frere,
ayant le commandement en vn temps, où le Cardinal Mazarin retenoit
tout l’argent du Royaume, & ne donnoit quasi plus la simple solde, accoustuma
les gens de guerre par son authorité & par son adresse, à faire les
retranchemens au Camp, à fortifier les Villes, à conduire les tranchées
sans qu’ils demandassent rien. De cette sorte, il acheua le siege de Dunkerque
pour cinquante mil francs, les despences du siege de Philisbourg
ne passerent pas douze mil liures, pendant que les sieges de Piombino, &
de Portolongone (que le Cardinal Mazarin destinoit à sa grandeur) coustoient
vnze millions : Et ce qui est digne d’estre remarqué au Camp de
Courtray, lors que dans le quartier de Monsieur le Duc d’Orleans, on
payoit les soldats qui trauailloient aux attaques, les trouppes de Monsieur
le Prince trauailloient à l’enuy dans son quartier sans receuoir rien, & sans
se laisser esbranler par les exemples des autres. Tant la sincerité & la discipline
les auoient confirmez dans l’obeïssance.

 

Quant à l’Armée d’Allemagne, l’ingratitude du Cardinal Mazarin, qui
accuse Monsieur mon frere de l’auoir voulu sousleuer, est sans doute
étrange. Cette Armée attachée depuis si long-temps à Monsieur de Turennes
suiuoit ce grand homme qui la conduisoit à vostre secours. Il n’y
auoit pas d’apparence qu’apres auoir seruy sous luy auec tant de gloire, &
se trouuant dans vne si vieille habitude de luy obeïr, elle commençast à le
quitter, lors qu’il embrassoit le party le plus juste qui ait fait prendre les
armes. D’vn costé les Espagnols apportoient la paix en France : Vostre Armée
& celle de Monsieur mon mary estoient prestes de se joindre : le secours
des Allemans s’approchoit à grandes journées, l’Armée qui deffendoit
le Cardinal Mazarin estoit foible & harassée, elle n’auoit nulle resource
à attendre d’ailleurs, ny aucun moyen de songer à resister à ces tempestes
qui alloient fondre sur elle. Tout le monde, ceux-mesmes qui estoient à
Saint Germain, voyoient ce Ministre timide & tremblant, confus, esperdu,
incertain du party qu’il auoit à prendre, ne se resoluant à rien, non pas
mesme à la fuite. Chacun se resiouïssoit de sa terreur, chacun esperoit sa
perte qu’il jugeoit infaillible, si Monsieur mon frere l’eust abandonné.
Toute la force, toute l’esperance, toute la resource de ce party estoit en la



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