Anonyme [1649], LA CONFERENCE DV CARDINAL MAZARIN AVEC LE GAZETIER, Iouxte la coppie Imprimée à Bruxelles. , françaisRéférence RIM : M0_742. Cote locale : C_1_19.
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personne, iusques aux plus deuots, qui n’en deust estre charmé. Ie
cõmençay par le détail de vos louanges, ie vous representay comme
vn homme le plus desinteressé qui fut iamais, qui auoit abandonné
son pays, sa grandeur, ses biens, ses parens, sa fortune, pour
venir prendre le soin de la France qui estoit perduë sans vous : je
dis que les Espagnols auoient tousiours tenté de vous fourber &
empescher la paix, par de nouuelles demandes qu’ils faisoient faire
aux Suédois, au desceu de Monsieur de Longueuille, & pour se
morguer de luy, Que l’Eglise vous auoit de grandes obligations
pour la paix d’Allemagne, dont le Pape vous auoit fait remercier
par son Nonce, & que le R. P. Faure Predicateur de sa Maiesté auoit
dressé vn Panegyrique à vostre loüange, qu’il faisoit imprimer en
reconnoissance des faueurs que le corps des Religieux en receuoit.
Ie dis que vous perdiez le repos pour procurer celuy de
l’Estat, que vous ne songiez qu’au bien du peuple ; que si vous
estiez logé dans le Palais Royal, c’estoit pour vaquer de plus prés
à la conseruation & contentement de leurs Maiestez, & que si vous
estiez à blasmer en quelque chose, ce seroit pour auoir trop de
zele & de fidelité pour le bien de l’Estat, que vous aymiez & conseruiez
comme le vostre propre.

 

Le Card. Cette seconde inuention est encore plus defectueuse
& à blasmer que la premiere, & il est certain, si tu veux dire la verité,
que tu t’en es repenty, ou que tu n’as point d’affection pour
mon seruice. Car pour commencer par tes dernieres paroles, qui
ne voit qu’elles donneront suiet aux rieurs de s’épanouïr la ratte,
& par vne agréable raillerie, de dire que c’est vne verité que tout
le monde aduoüe, & qui fait le suiet des plaintes publiques, de
ce que i’ayme le Bien de l’Estat, & le conserue comme le mien propre,
c’est à dire que ie le prends & l’enuoye en Italie, que ie le
mets à la banque, & que i’ay tantost mis tout le peuple à la besasse,
pour establir de ses dépoüilles vne maison prodigieuse en richesses.
Sçais-tu pas bien que l’Aduocat Gautier fit rire toute l’audiance
au Parlement par semblables equiuoques, lors que plaidant
la cause de Monsieur le Prince, pour la cassation du testament
du Cardinal de Richelieu, & faisant reflection sur les termes de
ce testament, qui portoit que les richesses immenses qu’il laissoit,
& qu’il leguoit estoient des biens faits du Roy, il dit qu’il auoit raison,
mais que d’vn mot il en falloit faire deux, & dire des Biens
du Roy, & par ainsi qu’ils luy deuroient reuenir. En second lieu,
il ne falloit point du tout parler de la Paix d’Allemagne, au contraire



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