VV. [signé] [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME FRANÇOIS, PORTÉE A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ, Par vn Trompette de la veritable Armée du Roy. Pour le dissuader de la Guerre qu’il fait à sa Patrie. , françaisRéférence RIM : M0_1876. Cote locale : A_5_9.
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publique asseure, que vous l’auez empesché de s’en aller, lors que
le remors de ses crimes, ou plustost la crainte des supplices qu’il
a meritez, l’obligeoient à vouloir fuïr. L’on dit, mais ie ne le veux
pas croire pour vostre gloire, que vous luy auez promis de mourir
auec luy, & que sa fortune sera la vostre. Quant à moy, ie ne
sçaurois penetrer dans ce secret. Et il faut que i’aduouë, lors que
ie medite sur toutes ces choses, qu’il est croyable que les grands
Princes ont des desseins, des mouuemens, & des lumieres, qui
ne peuuent paroistre aux yeux du commun, que par l’euenemẽt :
Car pour croire qu’il merite vn si digne soustien, ie ne voudrois
point d’autre iuge en cela, que vostre propre generosité, pourueu
que la passion qui vous transporte, fasse vn peu de trefve, & vous
permette d’en deliberer, sans consulter son cruël Oracle. Les
hõmes de grand cœur ne sont pas redoutables pour le mal qu’ils
pourroient faire, mais bien pour celuy qu’ils font, lors que la raison
& la iustice ne reglent pas leurs plus impetueux mouuemens.

 

Estant tres-veritable, MONSEIGNEVR, que si vostre Altesse
n’estoit ensorcelée par le Démon qui a iuré la ruïne de cette Monarchie,
nous vous regarderions plustost pour nostre Ange Tutelaire,
que pour nostre Ennemy : & nous vous prendrions plustost
pour nostre Arbitre, que pour nostre Partie. Et comme auparauant
cette malheureuse Guerre, vous n’auez rien fait que
d’immortel, nous ne sçaurions croire que vous ayez pris enuie
de cõmettre des choses, qui terniroient la gloire que vous vous
estes acquise, & qui sans doute effaceroient vostre Auguste
Nom des Fastes Triomphales.

Que si vous & nous sommes assez malheureux ; que ce soit tout
de bon, & qu’au lieu que vous auez cy-deuant rendu la France
vn champ de Victoires, vous en veüilliez à present faire vn chãp
de Funerailles & de desolations : prenez garde de ne perdre dans
le sang des François, celuy qui vous rend si precieux : car ce
Royaume aura droit de vous faire perdre le rang que vous y tenez,
si vous combattez pour sa perte & pour sa destruction, & si vous
foulez aux pieds les Loix fondamentales de l’Estat, qui vous obligent
à appuyer la Couronne des Fleurs-de-Lys, & non pas à la
renuerser. Vous estes vn des plus beaux Fleurons qui la composent.
Prenez donc bien garde, MONSEIGNEVR, & tous vos



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