VV. [signé] [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME FRANÇOIS, PORTÉE A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ par vn Trompette de la veritable Armée du Roy. Pour le dissuader de la Guerre qu’il fait à sa Patrie. , françaisRéférence RIM : M0_1876. Cote locale : C_3_63.
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seruiteurs vous coujurent d’y bien penser, que vostre aueuglement
ne vous pousse à ne vous en arracher vous mesme, & que
Vostre Altesse pensant vaincre sa Patrie, & authoriser le Tyran qui
la veut mettre dans des chaisnes eternelles, ne se treuue elle-mesme
vaincuë, à faute d’auoir assez de forces qui puissent seconder
vostre cholere & vostre courage : Car nous esperons que la
bonne cause sera victorieuse, & que les vœux & les prieres de
cent millions d’innocens, dont vous hazardez la vie pour vn seul
coupable, obtiendront de la misericorde Diuine la protection
que vous leur resusez. Toute la France sera pourtant faschée
de perdre vn Prince, qui en fut autrefois l’honneur & le soustien,
& de voir miserablement perir en vous le plus precieux objet de
nos esperances.

 

Le souuenir de vostre Royale naissance & de vostre vertu, qui
sont les meilleures parties de vous-mesmes, sont tousiours parmy
nous, encore que vostre personne & vos volontez en soient esloignées.
Songez donc à vous, MONSEIGNEVR, ouurez les yeux
de vostre Prudence ; consultez vostre Esprit & vostre Sagesse, &
ne vous laissez point ébloüir par la fausse Magie des trompeuses
promesse de cét infidele Ministre, qui desormais n’est pas en
estat de pouuoir rien faire pour vous, & la perte duquel vous
peut faire regaigner l’amour de toutes les nations. Et cõme vous
estes ce Genereux Alcide, qui auez si souuent vaincu les Aigles
de l’Empire, & les Lyons d’Ibere, vous deuez encore estouffer ce
Serpent, & l’enchaisner, comme ces autres animaux, au Chariot
de vostre Triomphe.

Est-il possible, MONSEIGNEVR, que vous n’ayez pas souuent
apperceu, qu’il ne vous engage & ne vous hazarde en cette
honteuse occasion, que pour y esteindre vostre gloire & vostre
vie, aussi bien qu’il a tasché de faire en toutes les autres, où vostre
courage vous a porté pour le soustien de la France ? Et ce qui
luy inspire vne si noire malice, c’est qu’il cognoist vostre Esprit,
qu’il apprehende vostre Genie : & toutes les marque d’vn Grand
Conquerant, qui esclatent en vostre personne, luy donnent vne
si grande terreur, & aux Espagnols auec lesquels il s’entend, qu’il
vous craint plus qu’il ne vous ayme. Ce qui fait croire à tous ceux
qui vous cherissent, qu’estant fourbe, enuieux, malicieux, & le



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