Anonyme [1649], LA CONFERENCE DV CARDINAL MAZARIN, AVEC LE GAZETIER. Iouxte la coppie Imprimée à Bruxelles. , françaisRéférence RIM : M0_742. Cote locale : B_11_34.
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faictes. Cela fait, que ie change aussi d’auis touchant Monseigneur
d’Orleans en la personne de la Riuiere ; car vous deuez sçauoir que
ce nom de la Riuiere n’est pas celuy de son pere, ny de sa famille,
Son pere estoit vn gagne denier, ou chargeur de bois en Greue, qui
s’appelloit Barbier, lequel par raillerie ou mépris fut surnommé la
Riuiere par ses camarades, comme on appelle vn laquais la Verdure,
la Fontaine, ou la Rose ; sa naissance vile n’a pas esté suiuie d’vne
meilleure education. Il n’y a point de College dans l’Vniuersité
qui ne retentisse encore de ses fripponneries, & toute la Cour
sçait par quels seruices il a merité les bonnes graces de son Maistre,
qui luy ont acquis le titre glorieux d’Aumosnier Spermatique, &
c’est dans ces combats nocturnes & secrets que ce Prince a gangné
les gouttes qui le mangent maintenant. Ainsi persistant en ce
que ie disois tantost, s’il faut conclure pour son regard, c’est de le
reduire au mestier de son pere, ou de le metamorphoser en riuiere
pour la nourriture des poissons, en quoy i’estime que vous ferez vn
plaisir indicible aux Parisiens, qui n’ont pas moins d’auersion pour
luy que pour vous.

 

Le Card. Ie sçay bien qu’ils n’ont pas plus d’amour pour luy
que pour moy ; mais ie feray en sorte qu’ils le detesteront d’auange,
& qu’ils en auront sujet. Ie découuriray toutes les fourbes dont
il s’est seruy pour seduire son Maistre. Ie feray l’inuentaire de toutes
les laschetez qu’il a commises, en se laissant corrompre luy-mesme.
Ie publieray toutes les trahisons épouuantables, dont il est l’ingenieur :
les perfidies estranges & cruelles, dont il a vsé à l’endroit
de Madame & de Mademoiselle. Ie donneray au public les memoires
qu’il m’a donnez, ou Mademoiselle verra l’inuentaire des
affrons qu’elle a soufferts, & des malices qu’on luy a supposées ; le
Parlement & Paris, l’origine d’vne partie de leurs persecutions, &
le peuple de la plus dure, peut-estre de ses miseres. L’on connoistra,
mais auec horreur, ce qu’à pû faire dans vne ame vile, lasche,
mercenaire, mais ambicieuse, le desir du bien, de la grandeur, &
de sa conseruation aupres d’vn Ministre, qui se peut dire le Maistre
du Royaume comme ie suis. De maniere, qu’il ne sera pas necessaire
que i’y mette la main, il ne faudra que crier haro, ou laisser
faire les valets de pied, ou marmittons de Luxembourg : & quand
il le faudroit, milles pistoles le feront mettre en estat que son tombeau
sera plus ignoré que celuy de Moyse. Ie suis seulement estonné
de ce qu’on le laisse en repos, & qu’on ne fait pas sa genealogie



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