Rantzau, Josias de [signé] [1649], LETTRE DE MONSIEVR LE MARESCHAL DE RANZAV, GOVVERNEVR DE DVNQVERQVE, A MONSEIGNEVR LE DVC D’ORLEANS. , françaisRéférence RIM : M0_2024. Cote locale : A_5_6.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 3 --

LETTRE
DE MONSIEVR LE MARESCHAL
de Rantzau, Gouuerneur de Dunquerque, à
Monseigneur le Duc d’Orleans.

MONSEIGNEVR,

Voyant approcher le temps de la campagne, en laquelle
apparemment les ennemis viendront m’attaquer
dans cette place, & que Monsieur le Cardinal ne
daigne respondre aux deux dernieres Lettres que ie luy ay escrittes ;
Ie m’addresse à vostre Altesse Royale, pour la supplier tres-humblement
de donner les ordres necessaires à la conseruation d’vn dépost
fi pretieux, que ie n’ay pû ny deu confier à d’autres, non pas mesme
durant vne partie de cét hyuert, parce qu’il est trop cher & trop considerable
au Roy ; & que ie suis resolu de le luy conseruer si soigneusement,
qu’il ne me sera iamais rauy que par ma mort.

Et c’est sur ce dessein, Monseigneur, que ie luy ay declaré ouuertement
la resolution que i’ay prise, de ne point enuoyer vne partie de
cette garnison contre Paris, quelque instance qu’il m’en ait faite, ny
d’abandonner vne conqueste si glorieuse à vostre Altesse, & au bonheur
de Monsieur le Prince.

Ie ne doute point que Monsieur le Cardinal trouuant à son goust
vne des Loys de ce fameux Legislateur d’Athenes, par laquelle il
auoit ordonné punition contre ceux qui ne prenoient aucun party ; &
que mon refus l’ayant touché sensiblement dans la passion qu’il a
pour la vengeance, il n’ait fait des efforts extraordinaires pour me
perdre aupres de la Reyne ; & mesme que m’estant vn peu estendu en
ma derniere, pour luy découurir mes sentimens en hõme de bien, sur
les diuers subjets de tant de reproches dont il est accablé, il ne tasche
encore par toutes sortes d’artifices de me ruiner dans l’Esprit de vostre
Altesse.

Mais si j’estois asseuré que cette Lettre fust tombée entre vos mains,
je serois certain que vous y trouueriez dequoy iustifer ma resolution,
puisque vous y verriez à peu prés, Monseigneur, ce que i’ay cru estre
obligé de luy mander, depuis la perte fatale de Courtray, auec vne
intention toute pure, pour le bien de sa reputation, mais beaucoup
plus encor pour celuy de l’Estat ; & s’il a fait entendre quelqu’autre
chose à la Cour, ie n’en suis point l’autheur.



page précédent(e)

page suivant(e)