Rantzau, Josias de [signé] [1649], LETTRE DE MONSIEVR LE MARESCHAL DE RANZAV, GOVVERNEVR DE DVNQVERQVE, A MONSEIGNEVR LE DVC D’ORLEANS. , françaisRéférence RIM : M0_2024. Cote locale : C_3_30.
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domine, la foy, qui est tousiours fondée sur la Iustice, & qui est vne
constance & vne verité inuiolable des choses qui sont promises, ou
pour le bien public, ou pour l’vtilité particuliere, ne sera tantost plus
connuë ny gardée en ce Royaume si les maximes de cét homme n’en
doiuent estre bannies ; & cela, Monseigneur, à la gloire des infideles
& à la honte des Chrestiens. Vostre Altesse sçait mieux que
moy, que la plus parfaite gloire de quelqu’vn consiste en l’amour que
luy porte la multitude, en la confiance qu’elle a en luy, & en l’honneur
dont elle l’estime digne auec vne certaine admiration de tout
ce qu’il fait ; que cét amour du peuple, procede principalemen de l’opinion
qu’il a de la liberalité, de la iustice &; de la fidelité des plus
grands hommes, & qu’elle est enfin la plus asseurée gardienne de la
felicité des Princes.

 

Pour vne marque eternelle d’vne punition tres-rigoureuse de l’esprit
humain qui ne voulut pas se contenir lors qu’il le pût, maintenant
qu’il voudroit bien iouyr de ce parfait repos qu’il trouua
dés le premier moment de sa creation, il n’en a plus la liberté ny
le pouuoir ; il se sent diuersifié par maniere de dire dans la varieté de
ses desirs : de sorte qu’en mesme temps qu’il entre en quelque repos,
il cherche à se donner du tourment & des inquietudes, & puis
se trouuant agité dans la crainte des euenemens fascheux, & dans
la difficulté des affaires, vne honteuse inconstance le rappelle au repos,
duquel il n’a pas si-tost commencé de iouyr, que par ce mouuement
déreglé qui le trauaille sans cesse, il est prest de retourner dans
les employs au bruit qu’il se figure d’entendre & dont le monde le
seduit.>

Cette maladie est contagieuse & commune à toute la race des
hommes ; mais il faut auoüer, Monseigneur, que les Estats sont bien
mal-heureux qui tombent en des mains, en qui la vertu & la science
n’ont iamais esté employées pour tascher du moins à guerir cette foiblesse,
a qui l’ambition & l’auarice commandent aueuglement, qui
ne laissent rien eschapper pour accroistre les biens & la grandeur
particuliere de quelque famille ; & par qui enfin nous voyons embrasser
si laschement les soins de la fortune publique.

Au reste, Monseigneur, l’on a iuste sujet de craindre, si mes sentimens
ne me trompent, que la Politique par laquelle nostre Ministre a
mises les affaires où elles sont, ne luy ait pas fait exactement considerer
quelles sont les forces & la nature de l’ennemy qu’il attaque. Oüy,
Monseigneur, j’ose croire que les tromperies de l’erreur l’ont emporté,
puis qu’il ne s’en trouue point de plus farouche, qu’il n’est pas
moins redoutable que vil, qu’il est d’autant plus à craindre qu’il n’écoute
point de raison en ceux qui ont affaire à luy, qu’il ne peut estre
adoucy par aucune reflexion sur l’equité, ny flêchy par les prieres, ou
par les remonstrances des plus sages ; Car ce monstre qui est le ventre



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