Peccot-Quanesi [signé] [1649 [?]], LETTRE D’VN RELIGIEVX A MONSIEVR L’ABBÉ DE LA RIVIERE : Où luy sont enseignez les faciles moyens de faire sa paix auec Dieu & le Peuple. , français, latinRéférence RIM : M0_1893. Cote locale : C_3_78.
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soy-mesme, pour vous accorder ce qu’il ne pouuoit entierement
vous dénier ; sa volonté estant plus dans vostre puissance
que dans la sienne.

 

Neantmoins vous auez ce bon-heur en vostre mal-heur,
que cette lumiere, aussi difficile à découurir d’abord, que
l’est la verité au fonds du puits de Democrite, ne se laissoit
toucher que de peu de personnes : Mais comme cette fille
du temps est obligée enfin de se manifester ; l’apprehension
que i’eus que vous ne passassiez de la haine particuliere à la
publique, & sur tout à la posterité, où le Mazarin voguoit à
pleines voiles, me fit prendre deslors resolution de vous en
donner auis ; en sorte que ie pourrois dire auec Menandre,
qu’au commencement de vostre cheute la presente estoit
toute preste, & qu’il n’y auoit plus que les paroles à faire ;
mais ie me sentis obligé de differer par vne pensée qui me
vint, que vostre crime estoit plustost vn coup d’adresse qu’vn
trait de malice, & que vous pensiez moins à outrager l’Oingt
du Seigneur, qu’à punir le Mazarin qui abusoit de la tendresse
de son âge, par le moyen de l’affection de la Reine, qui l’auoit
attiré sur soy : de dire comment, ie le laisse à iuger à celuy
que l’Ecriture appelle droit en ses iugemens.

Nolite tangere
Christos
meos.
Psal. 104.
Iustus es
Domine, &
rectum iudiciũ
tuum
Psal, 238.

Tous ceux ausquels ie decouurois le iugement que ie faisois
de vostre action, estoient obligez d’auoüer, que si vous
estiez entré dans ma pensee en enleuant le Roy, vous n’auiez
pas mal donné le change au Mazarin, puis qu’à l’imitation
des Archers, vous auiez frapé en tirant le bras, & donné
à connoistre que le coup estoit lasché par Mazarin : mais
ils adjoustoient, que pour l’ancrer encore dauantage dans la
haine populaire, ils estimoient que vous deuiez retenir le
Roy à S. Germain, autant de temps qu’il en falloit pour bien
matter le peuple, d’autant que par ce moyen elle deuiendroit
irreconciliable.

Neantmoins la suite du temps m’a fait connoistre que ie
conceuois pour vous des pensées trop fauorables, & que
vous n’estiez pas si subtil que ie me figurois ; ce qui ne m’a
pas pourtant dissuadé du premier dessein où i’estois, de vous
remettre deuant les yeux, sinon ce que vous auiez resolu, au
moins ce que vous deuiez faire, tant pour le bien de la France,
comme pour vostre vtilité particuliere. Car vous deuez
considerer que tous les momens qui composent vostre vie,



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