Peccot-Quanesi [signé] [1649 [?]], LETTRE D’VN RELIGIEVX A MONSIEVR L’ABBÉ DE LA RIVIERE : Où luy sont enseignez les faciles moyens de faire sa paix auec Dieu & le Peuple. , français, latinRéférence RIM : M0_1893. Cote locale : C_3_78.
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tirent son bon heur ou sa fatalité d’vn seul. Les faueurs,
pour insignes qu’elles soient, passeront tousiours pour des
veritables disgraces, si cét instant ne les fait naistre. Vous
n’auez que trop éprouué cette verité, tant sous le gouuernement
du feu Cardinal de Richelieu, que sous celuy de
Mazarin, & ie ne doute point que quand vous repassez par
vostre memoire les faueurs que vous auez receuës sous ces
deux diuers gouuernemens, vostre esprit ne deuienne chagrin
au souuenir des disgraces dont elles ont esté trauersées ;
& que la longue prison que vous a fait souffrir celuy-là, aussi
bien que les embusches & les destours qui vous ont esté souuent
dressées par celuy cy, ne vous ayent rendu ces sortes
de faueurs plus ameres que de l’absynthe.

 

Si vous en vouliez rechercher la veritable raison, vous
trouueriez que cela prouient, de ce que la Fortune vous
estant prodigue, vous auez mal cultiué ce moment sur lequel
elle auoit estably sa fermeté, & qui estant bien conduit
l’eust mise à l’abry des fascheuses atteintes ausquelles elle est
sujétte, quand on ne la recueille qu’inconsiderément : C’est
pourquoy vous auez dans l’occurrence presente, d’autant
plus de necessité de deferer à mes conseils pour la conduite
de vostre fortune, qu’elle est sur le point de finir auec vostre
vie, si vous méprisez l’occasion que vous auez encore
entre vos mains.

La longueur du temps qui s’est écoulé depuis l’enleuement
du Roy, a tellement desillé les yeux du peuple, & fait
connoistre que vous en estes le veritable autheur, comme
Mazarin de tous les maux qui l’ont accueilly depuis plusieurs
années, qu’il seroit difficile de dire qui de vous deux
il a le plus en horreur ; car quoy que ses feux semblent plus
allumez contre vostre complice, ceux qu’il couue sous la
cendre contre vous, n’en sont pas pour ce la moins à apprehender.
Si la voix publique ne vous demande pas auec des
cris & des opiniastretez, comme elle fait Mazarin, ce n’est
pas que vous ne soyez assez coulpable, mais c’est possible que
vous n’auez pas assez de vertu pour meriter ce funeste honneur,
joint que le peuple apprehende que l’autre ne luy échape,
& il sçait qu’il luy sera tousiours facile de vous auoir.

Ie ne doute point que si Mazarin estoit François, & qu’il
vous amenast chargé de fers aux pieds de cét auguste Parlement



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