N. T. [signé] [1649], LETTRE A MESSIEVRS LE VVIDAME & Gouuerneur D’AMIENS, ET D’AVQVINCOVRT GOVVERNEVR DE PERONNE, POVR LA CONSERVATION DE leurs Gouuernemens. , françaisRéférence RIM : M0_1812. Cote locale : C_3_16.
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à vn vertueux de flatter le vice & de le faire seruir
par sa vertu ? Si les Sages, quoy qu’aueugles Payens, viuoient
encores, fussent-ils tous aussi pauures que Diogenes,
on les verroit dans leur vie necessiteuse, mespriser
la criminelle pompe de ces superbes & lasches flatteurs,
qui n’acquerent tout cet esclat exterieure qu’au
prix de leur honneur qu’ils prostituent indignement.
Vn Solonne les sçauroit estimer fussent-ils tous
autant Monarques. Il condamneroit sa vanité des tresors
qu’ils ce sont acquis auec mille crimes, & donneroit
à leur preiudice la qualité d’homme de bien au
moindre de tous les Citoyens qui toûjours auroit bien
vescu dans sa pauureté. Et de fait, Messieurs, qu’est-ce
que cette pompe exterieure quãd elle est la fin de mauuais
moyens ? si ce n’est la marque esclattante des meschancetez
de ceux qui en sont enrichis. Les fautes des
hommes s’enseuelissent bien souuent dans les petits effets
qu’elles produisent : & l’on estime à peu prés innocent
celuy dont le crime n’a pas fait grand bruit ; le
scandale est ce qui trop ordinairement agraue le peché
& le rend en quelque façon plus pechant. Tellement
que ces pecheurs de Cour deuiennent encores
plus coupables par les suites de leurs fautes, que par
leur propre commission. Cependant ce n’est que pour
cette suite qu’ils ce portent à pecher auec tant de facilité.
Ce n’est que pour ce lustre vain & pour cette gloire
imaginaire, qu’ils abandonnent la veritable. Il n’y
a point de conscience qui resiste aux charmes de ces


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