N. [signé] [1652], ADVIS IMPORTANT D’VN ABBÉ AV CARDINAL MAZARIN, SVR LE SVIET DE SA SORTIE hors du Royaume de France. , françaisRéférence RIM : M0_516. Cote locale : B_12_45.
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la ruine publique ; il ne reste plus de voix à
la France que pour se plaindre, plus d’yeux que pour contempler
l’horreur de mille objets funestes, plus d’oreilles
que pour entendre le recit des meurtres, des pillages, des
incendies & des sacrileges, plus de cœur que pour souspirer
dans son oppression, & plus de raisonnement que pour
preuoir de plus grands maux. Si on demande qui a des-vni
les subjets d’auec le Roy ? c’est vostre Eminence : Qui a
troublé cette parfaite intelligence, & rompu cette estroite
liaison du Roy & de Monseigneur le Duc d’Orleans
son Oncle, si salutaire à l’Estat ? c’est vostre Eminence :
Qui a diuerty les armes de Monseigneur le Prince des terres
Estrangeres, où elles faisoient de si glorieux progrez à
l’Estat ? c’est vostre Eminence : Qui a causé tous les brigandages
& les meurtres qui tirent tous les iours tant de larmes
de nos yeux ? c’est vostre Eminence : C’est cette Eminence,
quoy que doüée de toutes les belles qualitez qui
sont requises en vn Ministre d’Estat, à la reserue du bonheur
si necessaire en cet employ ; Vous n’auez point manqué
à l’Estat, mais la fortune vous a manqué ; Vous l’auez
possedée durant plusieurs années, & depuis les deux ou
trois dernieres elle vous a eschapé des mains. Vous n’estes
pas le premier, MONSEIGNEVR, à qui cette inconstante
a fait part de ses faueurs, pour leur en leuer apres auec
plus de rigueur les pretieuses despoüilles de ses liberalitez ;
mais vous seriez le premier qui auroit entrepris de se
maintenir contre son gré, & qui auroit cherché de la consistence
& solidité en vne assiette si glissante. Disons plustost
pour parler Chrestiennement, que la main de Dieu
qui vous auoit placé dans cet Estat, vous en veut retirer
pour des fins incogneuës, mais qui seront sans doute glorieuses
à son nom, & vtiles à vostre Eminence : quelque
épineuse que soit vostre retraite ne doutez pas, MONSEIGNEVR,
que celuy qui vous l’ordonne n’en fasse
éclorre de pretieuses roses à couronner vostre obeissance.

 



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