N. [signé] [1652], ADVIS IMPORTANT D’VN ABBÉ AV CARDINAL MAZARIN, SVR LE SVIET DE SA SORTIE hors du Royaume de France. , françaisRéférence RIM : M0_516. Cote locale : B_12_45.
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pour resister aux attaques de vos ennemis, & vous
maintenir aupres du Roy, que tous les sieges des Villes
reüssissent selon vos souhaits, que toutes les batailles se
terminent à vostre gloire, mais ie vous demande (Monseigneur)
combien de sang cousteront ces succez ? Combien
de larmes & de gemissemens ? Combien ces victoires
seront-elles lamentables & funestes aux vainqueurs
mesme ? Vous vous seruirez du bras droit de la France
pour luy couper le gauche, vous la ferez triompher d’elle-mesme
& l’enrichirez de ses propres dépoüilles. Seriez-vous,
MONSEIGNEVR, assez amy du sang & du carnage
pour vouloir en cimenter vostre fermeté ? Ne vous seroit-il
pas plus honteux que glorieux d’auoir esleué vos
trophées sur le tas d’vn million de corps morts, & vous
estre fortifié par l’affoiblissement & desolation de tout le
Royaume ? Seroit-il iuste, MONSEIGNEVR, quoy que
vous valliez beaucoup, que le Roy vous acheptast si cherement ?
& que pour vous conseruer il se vit dépoüillé de
la plus belle partie de son Royaume ? C’est ce qui obligea
Messieurs le Duc d’Espernon & le Cardinal de Richelieu
de se retirer de la Cour, & de satisfaire aux desirs
de leurs Ennemis, qui poursuiuoient leur disgrace, ne
doutant point que leur resistance ne pouuoit estre que
funeste, ou à eux, ou à l’Estat. Ils cedent au temps, ils se
retirent au port, iusqu’à ce que l’orage soit passé, & dans
la necessité des plus vrgentes affaires prennent congé du
Roy leur Maistre, par ce principe qui leur fait preferer
les interests publics aux leurs particuliers, & le repos de
l’Estat à l’vtilité de leur Ministere. Iettez les yeux au contraire
sur le Florentin, & remarquez en sa déplorable
mort & en la fureur populaire exercée fur son cadavre, le
chastiment d’vne presomptueuse ambition & d’vne fausse
constance. Espargnez-vous, MONSEIGNEVR, vn semblable
traitement, épargnez au Roy les sanglante pertes
que vostre conseruation luy coustera, épargnez les inquietudes


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