Montmorancy, C. de [signé] [1650], LETTRE DE MADAME la Princesse Doüairiere de Condé, presentée à la Reine Regente. Contentant tous les moyens dont le Cardinal Mazarin s’est seruy pour empescher la Paix, pour ruiner le Parlement & le Peuple de Paris; pour tâcher de perdre Monsieur le Duc de Beaufort, Monsieur le Coadjuteur, Monsieur de Brousselles, & Monsieur le President Charton; par l’assassinat supposé contre la personne de Monsieur le Prince; & pour emprisonner Messieurs les Princes de Condé & de Conty, & Monsieur le Duc de Longueuille. , françaisRéférence RIM : M0_1954. Cote locale : B_4_22.
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donne au Prince de Conty pour le secourir, qu’il est forcé
de supporter sans oser dire mot, les saletez & la puanteur
des gardes qui sont jusques au pied de son lit, la Chãbre
où il est enfermé rigoureusement auec son frere sans
pouuoir prendre l’air, ou à ses fenestres, ou sur la terrasse,
ce qui ne se refusa jamais qu’à eux, estant à vray dire plûtost
vn veritable Hospital, que la Chambre de deux Princes
du Sang qui ont si bien seruy l’Estat.

 

Enfin qu’il est violenté s’il ne veut se laisser mourir comme
on desire, de prendre le pain qu’il paye de ses deniers,
(ce qui est inoüy) de la main des Officiers & des Creatures
d’vn ennemy, que l’on accuse d’auoir empoisonné Monsieur
le President Barillon, & qui est conuaincu d’auoir
voulu faire mourir par toutes sortes de voyes le Duc de
Beaufort, & d’auoir dit hautement qu’il falloit faire mourir
Monsieur le Coadjuteur.

Apres cela, vous diray-je, MADAME, que le Prince
de Conty est miserable, qui, logé qu’il est auec son frere,
partageant auec luy les mesmes miseres de leur prison,
souffre encore celle que de l’infirmité de son corps, luy apporte
naturellement, & se voit tous les jours en vn continuel
danger de mourir, par la difficulté qu’il a de respirer
en vn lieu si resserré. Que l’air & le Soleil y sont quasi
autant prisonniers que luy mesme, & ont autant de
peine d’en sortir comme d’y entrer.

C’est en cét endroit, MADAME, que ie ne puis retenir
l’abondance de mes pleurs, & la violence de mes
cris, & qu’il faut que ie conjure à deux genoux vostre
Majesté, par tout ce qu’elle a de plus precieux au monde
par vostre sacrée personne, par la santé de vos chers enfans,
& par le corps adorable de Iesus Christ que vous
mangez si souuent au pied de ses Autels, de donner au
plustost la liberté à Monsieur le Prince, au Duc de Longueuille,
& principalement au Prince de Conty mon fils,
languissant au lit depuis quatre mois, & de ne permettre
pas que la mort enleue à vostre misericorde, celuy qui par



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