Montmorancy, C. de [signé] [1650], LETTRE DE MADAME la Princesse Doüairiere de Condé, presentée à la Reine Regente. Contentant tous les moyens dont le Cardinal Mazarin s’est seruy pour empescher la Paix, pour ruiner le Parlement & le Peuple de Paris; pour tâcher de perdre Monsieur le Duc de Beaufort, Monsieur le Coadjuteur, Monsieur de Brousselles, & Monsieur le President Charton; par l’assassinat supposé contre la personne de Monsieur le Prince; & pour emprisonner Messieurs les Princes de Condé & de Conty, & Monsieur le Duc de Longueuille. , françaisRéférence RIM : M0_1954. Cote locale : B_4_22.
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de plusieurs personnes, quelques paroles en faueur de la
liberté de mes enfans, pour me tromper, par l’esperance
d’vn bien que ie desire passionnément, pour me rendre
suspecte à tous les gens de bien, & pour donner de la jalousie
aux Frondeurs, & leur faire apprehender, que s’ils
le pressoient trop viuement par leurs excessiues demandes,
il ne vint à deliurer Monsieur le Prince mon fils, qu’il
tient, oseray-je vous le dire, MADAME, comme vne
beste feroce, dont il menace tous ceux qui veulent entreprendre
de le ruiner. Cependant il m’enuoya dire auec
toutes les flateries qu’il a coustume d’employer à ses plus
noires trahisons, qu’il retireroit les Gardes de Chantilly,
disposeroit vostre Majesté à la deliurance de mes enfans,
& qu’il y feroit consentir Monsieur le Duc d’Orleans, qu’il
disoit estre la seule cause de leur detention, pourueu que
ie me retirasse en diligence à Valery, c’est à dire que ie
m’éloignasse de la ville de Paris, du Parlement, & de vostre
Majesté, ma principale protection.

 

Si vostre premier Ministre, MADAME, n’eust jamais
trompé personne, ie vous auouë que j’eusse esté la
premiere trompée, par ces belles esperances, dont il taschoit
de seduire l’amour d’vne mere passionnée ; Mais ne
doutant point que ses tromperies, assez connuës de toute
l’Europe, ne fussent les veritables sources de mes malheurs,
ie ne crus pas qu’il y eust pour moy de la seureté &
de l’honneur à prendre quelque creance aux paroles d’vn
homme si descrié pour ses perfidies, & que ie deusse luy
donner la satisfaction, & à moy le deplaisir, d’estre moy-mesme
le funeste instrument de ses fourberies, à ma propre
ruine.

Ie demeuré donc ferme au Bourg la Reine, attendant
vostre misericorde, & la justice de Messieurs du Parlement ;
mais voyant que ce Cardinal s’opposoit aux fauorables
influences de l’vn & de l’autre, qu’il m’enuoyoit de
vostre part de nouueaux commandemens de me retirer,
& faisoit courir des Gardes aux enuirons du lieu où j’estois,



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