Montmorancy, C. de [signé] [1650], LETTRE DE MADAME la Princesse Doüairiere de Condé, presentée à la Reine Regente. Contentant tous les moyens dont le Cardinal Mazarin s’est seruy pour empescher la Paix, pour ruiner le Parlement & le Peuple de Paris; pour tâcher de perdre Monsieur le Duc de Beaufort, Monsieur le Coadjuteur, Monsieur de Brousselles, & Monsieur le President Charton; par l’assassinat supposé contre la personne de Monsieur le Prince; & pour emprisonner Messieurs les Princes de Condé & de Conty, & Monsieur le Duc de Longueuille. , françaisRéférence RIM : M0_1954. Cote locale : B_4_22.
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d’en estre honorée, puis que Dieu vous l’a donné pour recompense
de vostre Vertu, & que celle qui le porte à si
bon tiltre que ie faits, ne pussie pas trouuer auprés de vous
la protection que ie vous demande & que vous ne pourriez
pas me donner, si vous mesme n’estiez mere, & la
mere du Roy. Souffrirez-vous, MADAME, que le respect
que l’on doit à ce sacré nom soit si cruellement violé
en ma personne, & que mes ennemis faisant mourir tous
les jours mes enfans dans l’obscurité d’vne prison me l’arachẽt,
auec la mesme violence qu’ils ont arrache de mon
sein ces cheres personnes, de qui ie tiens cette auguste
qualité de Mere.

 

Vous estes Mere, MADAME, écoutez la voix de
toutes les meres, & de la Nature mesme, qui vous parle
en ma faueur ; & si vous auez ardemment souhaitté que
Dieu exauçast les vœux & les prieres que vous luy fistes ces
années dernieres pour la santé de vos sacrez Enfans, en
danger de mourir de maladie, refuserez-vous d’entendre
aujourd’huy les tres-humbles supplications que ie vous
faits pour la deliurance des miens, la prison où ils sont
estant aussi cruelle, & bien souuent aussi perilleuse, que la
plus grande maladie qui leur puisse arriuer, & qui a déja
pensé faire perdre la vie à mon fils le Prince de Conty.

Apres cela, MADAME, que vous puis-je dire qui
soit plus capable de toucher vostre cœur, s’il n’est emeu
de compassion & de tendresse au sacré nom de mere, en
vain dois-je esperer qu’il soit attendri par le recit ennuieux
de tous les maux que ie soufre depuis mon bannissement,
aussi ie ne doute point que vous ne fussiez viuement
touchée de l’excés de ma douleur, s’il m’estoit permis
de vous approcher pour vous la dire, & par ma voix
& par mes soûpirs, & que mes larmes n’attirassent bien-tost
les vostres, si cette Lettre auoit seulement le bonheur
de tomber entre vos mains, & de se monstrer a vos
yeux, qui ne seroient pas long-temps sans estre mouïllez
de pleurs comme les miens, & sans vous porter aussi tost



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