Monaco,? [signé] [1649], LETTRE CONTENANT DES AVIS DE POLITIQVE ET DE CONSCIENCE, enuoyée au Cardinal Mazarin à sainct Germain en Laye, par son Confesseur le Pere Monaco, Superieur des Theatins. Traduite fidellement d’Italien en François. , françaisRéférence RIM : M0_1831. Cote locale : C_3_45.
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prefera la couronne de Religieux à celle de l’Empire, Carloman Roy
d’Austrasie, & Amedée, Duc de Sauoye, prefererent les delices du
Cloistre à celles de la Cour Toute la fortune d’vn homme consiste à
bien viure, pour bien mourir, puis que de nostre mort dépend nostre
salut.

 

C’est, Monseigneur, la maxime que ie vous ay tousiours preschée, &
qui est grauée bien auant en vostre cœur.

Sauourez & goustez ces aduis, dépoüillez vous de cette passion de
haïne & de vengeance, qui attire sur vostre teste celle de tout vn monde ;
ne vous laissez plus maistriser par vne affection sordide d’or & d’argẽt.
On dira de vous, il auoit vn milion de reuenu, mais tiré du plus par
sang d’vn peuple affligé : neantmoins il n’en a emporté que la valeur
d’vne chemise, encor n’eu a-il pas iouy long-temps ; que Vostre Eminence
profite de tant d’exemples que i’ay allegué, pour faire voir la fragilité
& l’incertitude des plus hautes fortunes de ce monde.

Et puis que vostre personne est si vtile à l’Estat, que vous ne sçauriez
imiter ces Princes, Illustres en generosité & en pieté, ny ses grands
courtisans & fauoris, faisant vne retraite où vous puissiez iouyr des delices
d’vne vie plus paisible, apres laquelle ie vous ay entendu respirer
tant de fois en ma presence. Continuez vostre Ministere pour le bien
de l’Estat ; faites vos efforts de pratiquer tous les aduis que ie vous ay
donnez depuis ces troubles, & n’oubliez iamais ces deux dernieres
considerations, qui ont fait le sujet de cette Lettre, en laquelle ie n’ay
voulu rien coucher qui ne fut de mon deuoir, & de ma charge pour la
conduite de vostre Ame ; que ie sçay estre aussi saincte & innocente que
vos calomniateurs la font criminelle.

Le porteur vous dira mes sentimens sur le reste, & vous asseurera de
bouche comme ie fais de ma plume, que ie mouray,

Monseigneur de Vostre Eminence.

Le tres-humble, & tres-obligé
seruiteur MONACO.

A Paris le 17
Mars 1649



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