vouloit perdre la France, & se rendre recommandable
par ses meschancetez ; ne pouuons nous pas dire que
vous auez plus fait que tous les autres, puis que vous
seul auez abbaissé l’orgueil de ce superbe, & l’auez mis
en estat de ne nous pouuoir plus faire de mal : aussi
estes vous l’Oingt de Dieu, comme Dauid, & tandis
que vous serez victorieux de vous mesme, vous triompherez
tousiours des ennemis de la Couronne.

Apres la defaite de Goliath, Dauid retournant glorieux
de la bataille, les Dames de la ville rauies égallement,
& d’vne victoire si signalée, & de tant de perfections
qui éclattoient en sa personne auec estonnement,
joignant leurs voix aux doux accords de leurs
Luths, commencerent à chanter ; A la verité Saul en
a deffait mil, mais Dauid en a deffait dix mil, & les victoires
de l’vn né sont nullement comparables à celles de
l’autre. Ce discours anima tellement Saul, qui d’ailleurs
estoit abandonné de Dieu, qu’à l’instant mesme
il iura la perte de Dauid, & commanda mesme à son fils
Ionathas, que l’on chercha tous les moyens de le mettre
à mort. Dauid n’est mal-heureux qu’à cause qu’il
est vaillant, & il n’est persecuté qu’à cause qu’il est chery.
Dauid s’enfuit ? Il est poursuiuy de Saul ? Il se retire
dans vne ville ? Saul l’assiege, & ne se soucie pas de
la perdre, pourueu que Dauid perisse. Dauid a assez
de generosité pour ne pas oster la vie à Saul, qui cherche
la sienne, bien qu’il soit en sa disposition ; & Saul
apres mille protestations de luy pardonner, a neantmoins
assez de lascheté pour ne le pas faire. Enfin, Saul
est tellement enragé contre. Dauid, qu’il ayme mieux
renuerser tout son Empire, que de le laisser en repos ;
& son imagination aueuglée luy persuade qu’il ne sera
iamais ny heureux, ny absolu, tandis que Dauid viura.

MONSEIGNEVR, voila ce me semble vne parfaite
idée de ce qui s’est passé, & se passe tous les iours en
vostre personne. Lors que Paris se vist triomphant sous