Mazarini, Pietro [signé] [1651], REMONSTRANCE DV PERE DE MAZARIN ENVOYÉE DE ROME A son Fils, sur son esloignement de France. Traduite d’italien en bon Francois. , françaisRéférence RIM : M0_3320. Cote locale : C_11_27.
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present enuironné, ne vous depeindront pas auëc des couleurs
si espouuentables, que vous luy ferez peur, & que la Reyne
mesme à qui l’on parlera librement de vostre mauuaise conduite,
& à qui l’on fera toucher au doigt le peril eminent où
vous auiez mis l’estat, ne perde pas toute la bonne volonté
qu’elle auoit pour vous auant qu’elle fut aduertie d’vne si
estrange administration ? ie vous parle en pere, ie ne vous flatte
point, vous me direz que vous auez laissé de bons amis aupres
de l’vn & de l’autre. He ! mon pauure Iules que vous estes
niays, si vous croyez qu’il y ayt encore quelque Mazarin à la
Cour, depuis qu’il en a esté chassé : puis qu’on tourne le dos
aux honnestes gens qui sont abandonnez de la fortune, qu’est-ce
qu’on ne fera pas aux personnes qui n’auoient rien de recommandable
que leur prosperité : que si vous estes contraint
de sortir de France, comme vous le serez tost ou tard, où irez-vous ?
sera-ce en Flandre, elle est au Roy d’Espagne qui vous
feroit faire vostre procez sur le çhamp. Si vous auez enuie
d’estre pendu, & de des-honnorer nostre illustre famille, vous
n’auez qu’aller dans quelqu’vne des terres de l’obeyssance du
Roy Catholique, qui se vante iustement de voir leuer & coucher
le Soleil dans leur estendue. L’Empereur est de mesme maison,
tellement qu’il ny fait pas seur pour vous en Allemagne.
Les Suisses sont alliez de la France, les Hollandois aussi, &
nouuellement des Espagnols. L’Angleterre a de veritables
Cromuels & Fairfax qui vous souffriroient moins que ceux que
vous disiez estre à Paris, & les seules odieuses comparaisons que
vous auez faites de ces Parlemens vous y ont mis en horreur
par tout. Le Portugal est aussi estroirement confederé auec la
France. Ou yrez-vous donc mon pauure fils Iules ? il ne vous
reste dans l’Europe que l’Italie. Vous auez fait bastir a Rome &
à Venise, vous y auez des trente millions dans Genes ou dans
Luques. Mais quoy vostre calotte rouge vous oblige à venir reuerer
la Thiare, & vous n’oseriez. Le Pape, le sacré College,
le Senat, la Noblesse, le Peuple, vous haït comme le grand
Diable, sans cela vous seriez le bien venu a Rome. Ou yrez-vous
donc mon fils Iules ? yrez-vous prendre le Turban, ou le
bonnet jaune ? ie ne vous le conseille pas. Car quoy que vous


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