Mazarin, Jules [signé] [1649], LETTRE DV MAZARIN, ESCRITE A L’AGENT de ses affaires à Rome. , françaisRéférence RIM : M0_2119. Cote locale : A_5_62.
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si grand peur au Pape & aux Princes d’Italie, mais ces pauures
gens y alloient bien à la bonne foy, & ne voyoient pas qu’ils en
tiroient tout le fruict par mon moyen, puisque ce n’estoit que pour
faire passer sur leurs terres les richesses de la France, comme on a
bien reconnu par le peu dauantage qu’elle en tire, mais le malheur
voulut, qu’apres la leuée du siege n’ayant plus de Chefs affidez,
ny des Magalotti à y enuoyer, mon commerce fut ruiné, & ie
ne pouuois plus faire tenir de dela que des cent mil escus à la fois,
au lieu de milions, qui passoient auparauant, ce qui me ruinoit en
frais de voiture, c’est pourquoy ma banque n’alla pas si bien iusqu’a
la guerre de Naples, qui fut vn pretexte plus specieux que ie
n’eusse peu souhaitter pour faire des transports d’argent, vous
sçauez que i’auois desia bien commencé à le faire valoir, mais vn
second malheur voulut que comme ie n’auois encor fait passer
pour moy que deux nauires chargez d’or & d’argent (horsmis
deux tonnes que ie n’en mente, qui estoient dans vne autre barque,
les forfantes Napolitains s’auiserent d’eslire pour leur Chef
vn Prince, qui ne voulant pas fauoriser l’espargne que ie faisois
des deniers du Roy, destinés pour cette armée, & descouurant
mes trafics & mes intrigues, m’obligea à le perdre auec son peuple,
ce qui m’a fort bien reussi comme on a veu depuis, i’auois encore
renouuellé leurs brouilleries, en sorte qu’ils venoient maintenant
me demander vn Chef à ma deuotion, mais comme ils ont
trouué la guerre à Paris, ils sont allez chercher en Turquie le secours
qu’ils demandoient en France, ce qui m’importe fort peu,
car quelle enuie me pourroit prendre de leur enuoyer du secours.
Si des controlleurs d’Estat m’ostoient le moyen de transporter
quant & quant de l’argent pour moy, d’vn autre costé i’auoüe que
i’ay bien du suiet de me loüer du trafic de Rome, ear encore bien
qu’il ne soit pas si grand, il va tousiours reiglement, & sous pretextes
de pensions d’Ambassadeurs, de Cardinaux, de payemens
de Bulles & d’Annates, d’entretenements d’espions & d’intelligences.
I’ay fait passer de notables sommes de deniers, c’est particulierement
l’argent de cette banque, que ie vous recommande
de mettre à couuert, de peur que quelqu’vn de dela ne mette la


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