M. L. [signé] [1650], LETTRE OV EXHORTATION d’vn Particulier A MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE, Pour l’obliger à mettre bas les armes. , françaisRéférence RIM : M0_2249. Cote locale : D_2_38.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 39 --

faut que l’effet cesse, & que la tranquilité vienne, puis que
le vent ne dure plus.

 

Voila les comparaisons qu’on fait contre vos entreprises.
Si l’on prend les armes pour vous combattre ce n’est
que par impatience ; vous ne pouuez manquer, dit-on, de
vous ruiner de vous-mesmes si l’on vous en vouloit donner le
loisir. Et de vray, quand il n’y auroit contre vous que les vœux
de toute la France, auez vous assez de soldats pour y resister ?
Si Moyse autresfois gagna des victoires par ses prieres,
croyez vous qu’on ne puisse encor vaincre de la mesme façon ?
ie veux que ses souspirs perçassent le Ciel auec plus d’efficace
que ne font les nostres, si n’auoit-il toutesfois que la
voix d’vn homme, & celle du peuple est la voix de Dieu.
Cette legion Chrestien ne que les Romains nommoient la
legion foudroyante, n’est elle par encor parmy nous, & n’en
craignez-vous point les efforts ?

Rentrez, rentrez, Monsieur, en vous-mesme d’où vostre
passion vous a sorty. Consultez les Oracles de cette raison
que vous auez mesprisée, & reprenez cet esprit de sagesse
& de generosité que vous auez abandonné. Vous verrez
que vos desseins sont des monstres qui doiuent mourir aussi-tost
que néz. Vous-mesmes vous condamnerez ces enfantemens
illegitimes, & les fruicts horribles qui ne naissent que
des accouplemens déreglez, des puissantes brutales, & des
facultez de la raison. Vous-mesmes vous serez fasché de
l’empire que vos sens ont pris sur vostre esprit, & vous rendrez
à cét esprit l’empire qu’il doit auoir sur ses sens.

Pour moy, si l’amitié que ie vous ay iurée, qui n’est point
mercenaire, qui n’est point aueugle, qui ne flatte non plus
qu’elle trahist, me peut donner la liberté de vous dire tout
ce que ie pense, & de vous le dire dans des termes dignes de
sa vertu, & de la force qu’elle luy donne ; Ie vous feray vne
espece de commandement, & ie vous diray, reuenez ; ne
demeurez plus dans l’obstination ny dans la desobeïssance,
vostre Prince vos deigne appeller, ne faite point le sourd à sa
voix. Venez auec nous admirer ce Soleil qui dans sa naissance



page précédent(e)

page suivant(e)