M. L. [signé] [1650], LETTRE OV EXHORTATION d’vn Particulier A MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE, Pour l’obliger à mettre bas les armes. , françaisRéférence RIM : M0_2249. Cote locale : D_2_38.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 6 --

Monsieur, nous croyons estre en paix, & vous nous faites la
guerre. Nous pensions qu’apres la cheute du chef il ny auroit
plus de membre qui pûst rien entreprendre pour sa deffence,
& cependant, vous que l’on n’eust pas mesme creu estre de ce
Corps, vous faites des efforts pour en releuer la teste abatuë.
Certes, Monsieur, la nouuelle de vostre resolution m’afflige
pour le moins autant comme elle m’estonne ; & quand ie
considere & vos interests qui me sont chers, & ceux du public
qui me le doiuent estre encores dauantage, vos armes qui me
donnent beaucoup de terreur ne me font gueres moins de
pitié. Ie voy bien d’vn costé que vous pouuez en quelque
maniere porter du trouble & de l’esmotion dans le repos &
dans la tranquilité publique. Mais aussi ie ne considere pas
peu que vous allez ietter de l’obscurité dans l’esclat de vostre
renommée, & que vous deuenez tout à la fois ennemy de
vous-mesmes & de vostre païs. Ces grands déreglemens,
Monsieur, si contraires à vostre prudence ne peuuent estre
les mouuemens * naturels de vostre genie : il faut qu’il y ait
de l’inspiration du mauuais esprit dans vostre dessein. Il faut
que vous soyez poussé par cét Ange noir qui preside aux
troubles, & qui ne peut viure en repos (s’il m’est permis de
m’exprimer en ces termes) que dans la confusion & dans le
desordre de toute l’Vniuers. Ie cherche pour l’amour de
vous, & ie fouille dans tous les replis de ma raison pour
en trouuer quelqu’vne qui vous soit fauorable : Ie solicite
tout ce que i’ay de plus ingenieux pour mettre vostre dessein
dans vn beau iour, & tout ce i’ay de plus hardy pour le monstrer
aux hommes en quelque perspectiue qui vous soit auantageuse ;
Mais en vain, mon amitié me rend-elle de vostre
party, puis que maraison me deffend de le suiure, & dans le
soin qu’elle a de moy condamne ceux que i’ay pour vous.
Quoy qu’elle fasse toutefois, Monsieur, elle ne m’empeschera
pas de vous tesmoigner combien sans elle ie serois
vostre, & combien si vous estiez d’accord auec vostre vertu
vous disposeriez absolument de mon affection. Ie veux mesmes
vous seruir dedans ce rencontre, & porté par la force


page précédent(e)

page suivant(e)