Louis (XIV), De Guénégaud [signé] [1649], LETTRE DV ROY AVX GOVVERNEVRS DES PROVINCES: Sur ce qui s’est passé avec les Députez venus de Paris le 25 Février 1649. Et les responses faites ausdits Députez. , françaisRéférence RIM : M0_2141. Cote locale : A_1_18.
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la France. Ils y entreront avec toutes leurs forces, & profiteront de ces émotions,
des qu’ils en auront le moyen, & qu’ils verront jour à nous faire du mal ; mais
l’intérest particulier de ladite Compagnie ne les poussera ni ne les arrestera vn
seul moment. Cette résolution dépendra purement de l’estat de leur armée. &
s’ils ne le font pas, on n’en devra avoir obligation qu’à la saison, à leur foiblesse
& à la crainte d’exposer leurs troupes mal a propos.

 

Pouvoyent-ils faire vne offense plus sanglante à ladite Compagnie, que de la
croire vne matiére facile & toute disposée à leur mettre la France en proye ?
que de s’adresser à elle sous le spécieux prétexte de la paix, & de l’assister, quand
ils n’ont autre dessein que de bien allumer la guerre civile dans le Royaume, &
de l’ensevelir dans ses rüines.

Leurs affaires de tous costez sont en pire estat, encor qu’elles ne paroissent
l’estre, & il est comme indubitable que si ces desordres intestins peuvent cesser
bien-tost, comme Sa Majesté y contribuë tant de sa part, ils seront forcez à donner
les mains sans delay à vne paix, avec des conditions avantageuses pour cette
Couronne.

C’est à quoi Sa Majesté s’aplique, & continuëra de le faire avec tous les soins
possibles, sans oublier aucun des moyens qui peuvent le plustost produire ce
grand bien.

Que si, contre les aparences, les ennemis réfusent vn accommodement honneste
& équitable, & s’opiniastrent à prétendre des conditions injustes & exorbitantes,
telles que l’Envoyé a suposé qu’on leur a offert : En ce cas, comme la
plus forte passion de la Reine & sa principale visée est le bien de l’Estat ; la grandeur
du Roy son fils, & de lui pouvoir vn jour rendre compte de son administration,
sans qu’il ait occasion de lui en faire le moindre reproche ; Sa Majesté ne
sera pas à la verité assez hardie de disposer, quoi qu’à l’avantage d’vn frére, de ce
dont vn Roy pupil & son fils se trouve en possession par vne juste guerre, & principalement
voyant que l’Espagne tient encor aujourd’hui divers Royaumes que
la France a autrefois possédez à juste titre : Elle ne voudra pas respondre si mal
aux bénédictions que Dieu a versées si abondamment sur cet Estat, que d’abandonner
en vn seul jour aux Espagnols le fruit des travaux de tant d’années toutes
pleines de bons succez, & ce qui a cousté tant de peines au feu Roy, & tant
de soins à Monseigneur le Duc d’Orleans & à Monsieur le Prince, qui ont exposé
si gayement leur vie à mille périls, pour conserver les conquestes du feu Roy, &
pour les augmenter comme ils ont fait, de quantité de places importantes, &
d’vne tres grande estenduë de païs, & Mondit Seigneur le Duc d’Orleans &
Monsieur le Prince ont déclaré qu’ils ne se porteroyent jamais à oser le conseiller
à Sa Majesté. C’est pourquoi en ce cas elle se croiroit obligée de consulter l’avis
des Estats généraux du Royaume (qui sont desja intimez, & qui seront bien-tost
assamblez) sur la résolution qu’elle auroit à prendre, ne pouvant douter qu’elle
ne fust la meilleure, puis qu’elle auroit esté prise par le consantement général



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