Louis (XIV), De Guénégaud [signé] [1649], Lettre du Roy au Prévost des Marchands, Eschevins & Bourgeois de la ville de Paris, escrite le premier jour de Février 1649. , françaisRéférence RIM : M0_2142. Cote locale : A_1_9.
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Lettre du Roy au Prévost des Marchands, Eschevins & Bourgeois de la ville
de Paris, escrite le premier jour de Février 1649.

CHERS & bien amez, Nous ne pouvons penser sans vne sensible & extréme
douleur à l’estat present de nostre bonne ville de Paris, lors que nous
voyons la capitale de nostre Royaume, le siége principal de la Monarchie,
la demeure & le séjour des Rois estre sousiraite de nostre obeïssance, par l’artifice
des factieux ennemis de nostre grandeur & de son bonheur ; Que ses habitans,
qui ont tousjours tesmoigné tant de fidelité & d’amour pour nous, soyent
armez contre nous mesmes, sans sçavoir encor le sujet qui les a portez á suivre
la passion de ces esprits qui troublent leur repos. L’on veut faire croire que nous
voulions nous vanger & nous ressentir des mouvemens survenus avant nostre
partemẽt : Nous avons esté bien éloignez de ces pensées, qui ne sont pas dignes
d’vn grand Prince, apres avoir assez tesmoigné que nous avions tout oublié, &
pardõné mesme à la malice de ceux qui en estoyent les autheurs. Ces factieux
indignes de la grace qu’ils avoyent receuë de nous, ont tousjours conservé cet
esprit qu’ils avoyent eu de rõpre la fidelité de nos bons sujets, de les porter dans
l’excez d’vne rebellion où ils sont aujourd’hui : La disposition que nous avions
à faire des graces à nostre bonne ville de Paris & à tous nos sujets, avoit arresté
l’execution de leurs mauvais desseins, ayans accorde vne remise des impositiõs
sur les marchandises entrant dans la ville, au delà mesme de ce que l’on pouvoit
auendre de nostre bonté, & ne pouvant plus prendre de pretexte pour débaucher
les esprits, ils ont feint que nous ne voulions pas executer la Declaration
verifiée en nostre Cour de Parlement, lors que nous avions donné des ordres
precis de l’observer en tous ses points. Nostre tres cher & tres-amé Oncle le
Duc d’Orleans, nostre tres-cher & tres-amé Cousin le Prince de Condé, en ont
donné en plain Parlement les Chambres assamblées, les asseurances de nostre
volonté : mais comme le soulagement du peuple n’estoit pas leur dessein, &
qu’il ne leur servoit que de prétexte, ils ont continüé leurs intelligences secrétes
contre nostre service, qu’ils avoyent portées si avant, que l’on avoit resolu d’arrester
nostre persõne : ce qui eust esté sans doute executé, si nous n’eussions prevenu
par nostre sortie leurs mauvais desseins. Il ne faut point d’autre preuve de
cette verité, que le parti que l’on a veu paroistre tout d’vn coup, qui a bien fait
voir, que ce n’estoit pas vn ouvrage d’vn jour, ni du hazard, & que cette faction
avoit esté tramée de longue main, & les liaisons faites de long temps entre les
factieux : Ils ont r’allié tous les esprits mal contans, pour n’avoir pû obtenir de
nous des demandes tres-injustes : ils les ont flattez dans la passion qu’ils exercent
aujourd’hui avec la rüine de nos bons sujets, qu’ils ont engagez á suivre
leur parti. Nous sommes bien marris, chers & bien-amez, que vous ne connoissiez
pas leur malice lors qu’ils vous font servir d’instrumẽs à leurs injustes pretentions,
& que vous ne considerez pas, que quãd vous vous estes soulevez contre
nous, vous aviez plus de sujet de vous loüer de nos graces & de nostre bonté,
que de vous plaindre de nostre gouvernement. Souvenez-vous que Dieu nous



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