La Mère de Dieu, Pierre de (dit Bertius, Abraham) [1647], LES VERTVS ROYALES D’VN IEVNE PRINCE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_1_1.
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naturel insensible aux miseres des peuples.

 

La memoire
des
Princes sãguinaires
est odieuse
à la Posterité.

Si les Souuerains ne s’étudiẽt dés leur bas aage,
à pratiquer la clemence Royale, & à traitter benignement
leurs subiects, ils auront de la peine
à changer de naturel ; puis que les premieres habitudes
se contractent auec assez de facilité, & ne
se quittent qu’auec des difficultés incroyables : il
faut vn miracle pour conuertir vn Loup en Agneau ;
aussi est-ce vne espece de merueille, de
voir vn Prince rude, & seuere, deuenir doux, &
traittable : Tarquin le superbe donna de tres-mauuais
augures de sa Regence, par deux ou trois
actions sanguinaires, qui firent connoistre sa tyrannie.
Que pouuoit-on esperer de Neron, ayant
osté la vie à celle qui luy auoit donné l’estre, &
l’Empire, sinon, qu’il seroit inhumain dans toutes
ses entreprises ?

La delicate ieunesse des Princes, est beaucoup
plus susceptible de la clemence, que leur fougueuse
adolescence, où les passions sont viues, le
sang boüillant, la cholere enflammée, les ressentimens
prompts, la vengeance aigrie ; & selon
leur iugement, les seules actions melées de cruauté,
meritent vne gloire immortelle. Pour éuiter
tous ces mal-heurs, il est necessaire que les Souuerains
se façonnent de bonne heure, aux exercices
de la Royale clemence, & qu’ils sçachent que
cette vertu les fera regner dans les cœurs des
peuples, & que c’est l’vnique moyen de posseder



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