Henri (Prince de Galles) [signé] [1649], LETTRE DV PRINCE DE GALLE ENVOYÉE A LA REYNE D’ANGLETERRE. Auec les regrets du mesme Prince sur la mort du Roy de la grand Bretagne, son Seigneur & pere. Arriuee d’Amsterdam le 24. Feurier 1649. , françaisRéférence RIM : M0_2129. Cote locale : C_3_41.
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a peu accuser son Roy, le condamner, & le liurer à la
mort comme vn criminel, & cela à mes yeux, sans que toutesfois
ie me sois exposé à tous les dangers imaginables
pour le desgager : mais ou m’emporte la douleur, que pouuois-ie
faire seul, sans force, sans soldats, sans argent, reduit
dans vn pays estranger, contre la fureur des Royaumes
entiers. I’ay tasché de ramener quelque vns de ses peuples
reuoltez à l’obeissance deuë à la Maiesté Royale, & personne
n’a entendu à ma voix. I’ay rodé les costes d’Angleterre
l’espace de plusieurs mois, m’exposant aux tempestes & aux
orages de la mer, pour induire quelques villes à reconnoistre
sa santé & prendre le party de son Prince, & tous mes
soins & mes trauaux ont esté inutils, i’ay imploré l’assistance
des Princes estrangers, coniuré les alliez de sa Maiesté
Britannique, promettant monts & vaux à vn chacun d’eux,
cette voye non plus que les autres, n’a eu aucun effet pour
le soulagement d’vn Roy malheureux. O Dieu, il faut bien
aduoüer que les ressorts de vostre prouidence sont cachez,
les decrets de vostre Iustice sont tousiours equitables, neãtmoins
permettez moy de vous dire que si ou mes crimes ou
celuy des suiets de sa Maiesté Britannique, auoient allumé
vostre colere, il estoit plus à propos de descocher la foudre
sur les coupables, que sur la teste sacrée d’vn Roy innocent,
si ma vie & celle de tant de peuples ne suffisoit pas pour l’expiation
de nos crimes, la perte de nos biens, la peste ou
la famine eu pouuoient oster la tache, ie me pers mon Dieu,
douleur me trãsporte hors de moy-mesme, pardõnez, s’il vous
plaist la cause de mes souspirs & de mes regrets est trop grãds
pour les retenir ou cacher, sans vne grace extraordinaire de
vostre bonté, ne me la refusez pas mon Dieu, elle m’est necessaire
maintenant pour supporter vn accident que ie n’ay
iamais preueu la captiuité. Ie connoissois la misere, ou la
malice & les trahisons auoient reduit sa Maiesté Britannique
affligee & persecutee : & ie croyois que sa captiuité seroit
le plus grand de tous ses maux, mais las ! la rage de ses
barbares n’eusse pas esté assouuie. Il n’y auoit que sa mort
qui fust capable d’esteindre la haine en diablee de ses furies :


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