Griveau, Martin [signé] [1649], LETTRE D’VN DOCTEVR DE L’VNIVERSITÉ DE PARIS, A la Reyne Regente à S. Germain en Laye. SVR LE SVIET DE LA PAIX. , françaisRéférence RIM : M0_1862. Cote locale : A_5_24.
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infinité de malheureux, & par les cris & les plaintes generales
de tous vos peuples.

 

N’attendez point, s’il vous plaist de plus certaines preuues
de ce que ie dis. La verité qui fait la meilleure partie de la felicité
des Royaumes, & qui se peut donner l’auantage d’estre
de la garde des Roys, ne va pas tousiours iusques a vos oreilles
par le droit chemin. C’est beaucoup qu’elle y puisse arriuer
par destours, encore bien souuent vous paroist elle si défigurée
par l’artifice d’vne foule de flateurs, ou d’interessez, qu’il
est presque impossible de la connoistre sans beaucoup de lumieres.

Il est plus à propos & plus seur de l’apprendre de la voix publique,
qui ne peut iamais estre fausse, principalement quand
elle continue à se faire entendre. Elle nous fera connoistre,
Madame, que vous n’apprenez rien de pur, & qui n’ait esté
corrompu au passage. Elle vous fera sçauoir que vous estes
trompee de tous costez : Ie parle generalement a tous ; aux
Predicateurs, aux Confesseurs, & aux Casuites suiuans la
Cour, dont la mauuaise doctrine, & la Theologie plus Politique
que Chrestienne, met impudemment vostre Ame au hazard.
Ie parle aux flateurs qui surprennent laschement vostre
Maiesté. Nous sçauons, Madame, & nous n’ignorons presque
rien de tout ce qui se passe aux lieux ou vous estes, nous sçauens,
dis-ie, qu’il vous font voir la medaille d’vn mauuais biais.
Ils disent que le Parlement veut vsurper l’authorité souuaraine,
quand il trauaille à maintenir la vostre. Ils disent qu’ils
veulent diminuer le reuenu du Roy, & retrancher son domaine
quand il s’efforce de le rendre plus opulẽt que iamais. Bref,
ils disent que tous les membres de ce sacré corps sont corrompus,
& que tous les Conseillers de cét auguste Senat, sont ennemis
du repos public, & de l’Estat, quand ils se rendent Mediateurs
de la Paix, & qu’ils veulent remettre l’Estat dans son
ancienne splendeur.

N’est ce pas, Madame, nous vouloir surprendre, & conuertir
les remedes en poison ? Ils disent bien dauantage : pour nous
donner enuie de continuer la guerre, qu’on fait au peuple de



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