Gondi, Jean-François Paul / cardinal de Retz [?] [1651], ADVIS DESINTERESSÉ SVR LA CONDVITE DE MONSEIGNEVR LE COADIVTEVR. , françaisRéférence RIM : M0_510. Cote locale : B_6_33.
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Prince irrité, les soupçons faux ou veritables font les
mesmes impressions sur l’esprit. Chacun croit auoir la
Iustice de son costé, & se pouuoir seruir de toutes sortes
de moyens pour la deffendre.

 

Si nous estions reduits à ces deux extremitez, il seroit
bien plus à craindre que le Roy estant mescontent de
Paris, qui maintiendroit vn subjet contre luy, qui luy
doit encore plus de submission que personne, parce qu’il
doit l’exemple aux autres, ne s’en retirast enfin luy-mesme,
& que cette retraite fust plus dangereuse pour nous
que la retraite de Monsieur le Prince.

Il est vray, dira t’on, que la volonté du Roy est, que
tout le monde demeure sous la protection des Loix & de
la Iustice. Nostre Monarchie est libre, la violence y a
tousiours esté condamnée.

Ce n’est point aussi vne violence qu’on fait à Monsieur
le Prince de desirer de luy qu’il aille voir le Roy. Ce sont
les Loix fondamentales de l’Estat qui luy obligent, le
Parlement l’a mesme ordonné. Les Princes ne sont pas
comme des particuliers, il faut necessairement qu’ils
soient à la Cour, ou qu’ils en soient esloignez à cause des
soupçons & des ombrages.

Qu’auons nous donc à faire dans cette malheureuse
conjoncture ? Nous n’auons qu’à suiure nostre pointe, à
acheuer la perte du Cardinal, si l’on croit qu’elle ne soit
pas toute entiere. l’abhore le Mazarin plus que personne,
& si i’en estois creu, on feroit sa figure comme celle des
Monstres, qui ont deserté des pays tous entiers, & qu’on
porte dans les prieres publiques pour remercier Dieu,
de ce qu’il nous en a deliurez, & afin que l’horreur qu’on
en doit auoir passe ainsi dans tous les siecles.
Mais ce n’est pas seulement où se doiuent porter nos pensées,
nous deuons redoubler nos efforts pour faire changer
le Conseil du Roy, qui est la source seconde de nos
biens ou de nos maux, & pour faire chasser ceux qui restent
qui sont suspects au public, & que l’on maintient
par des artifices secrets, pendant qu’on en chasse d’autres,
qui n’estoient pas plus meschans ny plus perfides.



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