Monsieur le Prince demande seulement qu’on le laisse en
repos dans Paris, il pretend qu’il y peut bien demeurer
sans voir le Roy.

Pour moy ie croy que cela est absolument contraire à
l’authorité Royale, au credit & à la reputation de l’Estat.

Le Connestable de Montmorency s’estant retiré de la
Cour, changea mesme la face de la maison qu’il choysit
à lors pour sa retraite, par ce qu’elle estoit tournée du
costé de Paris, croyant qu’vn sujet ne pouuoit point
soustenir le visage de son Prince irrité, ny regarder seulement
le lieu de son sejour & de sa demeure. Ce grand
homme voulut que ses respects parussent mesme dans les
choses inanimées, & que la figure & la forme de son Palais
fussent des témoignages publics & eternels de sa submission.

Outre cela, le credit de l’Estat qui en est toute la force,
ne se peut conseruer dans cette diuision. Tous les
Estrangers considereront auec nous Monsieur le Prince
dans Paris marcher dans les ruës, faire rencontre du Roy
dans les lieux publics, & à la face de toute la terre, sans
pourtant aller à la Cour. Quelque innocent que soit
Monsieur le Prince, il n’y a pas vn de nos voisins, qui faisant
reflexion sur cette demarche, ne se persuade aysément
qu’il y a deux partis dans l’Estat, ou vne extreme
foiblesse dans l’authorité & le gouuernement, qui sont
deux choses tres perilleuses.

Il faut donc que Monsieur le Prince sorte de Paris, il
ne peut surmonter ses deffiances. Et cependant s’il sort de
Paris, il est à craindre, dit on, qu’il ne fasse la guerre ciuile.

C’est faire tort à Monsieur le Prince de faire ce iugement
de luy, il ayme trop son pays, il ayme trop sa reputation
& sa gloire, pour nous armer contre nous-mesmes,
& pour nous consommer entierement par vne guerre
ciuile. Ces pensées funestes sont bien esloignées d’vn
grand Prince comme il est, il ayme bien mieux defaire
les ennemis de l’Estat que deschirer sa Patrie & ses Concitoyens.

Mais on ne sçait pas quelquefois où se peut porter vn