Gondi, Jean-François Paul / [cardinal de Retz] [1649], SERMON DE S. LOVIS ROY DE FRANCE, FAIT ET PRONONCÉ DEVANT le Roy & la Reyne Regente sa Mere. PAR MONSEIGNEVR L’ILLVSTRISSIME & Reuerendissime I. F. Paul de Condy Archèuesque de Corinthe, & Coadjuteur de Paris: A PARIS DANS L’EGLISE DE S. LOVIS des PP. Iesuites, au iour & Feste dudit saint Louis, l’an 1648. , français, latinRéférence RIM : M4_79. Cote locale : C_10_11.
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Audi, sili mi, disciplinam Patris tui.

Esequtez, mon fils, les enseignemens de vostre Pere.
A quoy ie me sens obligé d’adiouster les paroles qui suiuent dans le texte
de l’Escriture. Et legem matris tuæ ne dimittare à te : Et n’oubliez iamais la loy
de vostre mere, puisque ie ne doute point que la sainte education que vous
receuez de la plus grande, & de la plus vertueuse des Reynes ne soit particulierement
fondee sur les exemples du plus grand & du plus Saint de
vos Predecesseurs.

Plaise au Ciel de donner à Vostre Maiesté les dispositions necessaires
pour suiure ses instructions, & pour imiter ses exemples. Et pour en meriter
la grace, implorer, SIRE, les benedictions du saint Esprit, par l’intercession
de celle, qui est la Mere de vostre Roy & de vostre Maistre, & que l’Ange a
remplie de benedictions, en luy disant,

Aue Maria, &c.

SIRE,

Entre vn nombre infiny de qualités eminentes, qui rendent la Religion
Chrestienne toute éclatante de merueilles & de prodiges, la plus considerable
sans doute est la puissance qu’elle a de perfectionner, & mesme de
changer (pour ainsi dire) la nature de toutes choses. La Philosophie n’a que
trop souuent & trop temerairement essayé de produire cet effet. Elle n’a
iamais fait sur ce suiet que des efforts inutiles ; & quand elle s’y est imaginé
quelque succez, elle n’a fait qu’adioûter à son impuissance vne vanité fort
mal fondee. Elle a donné en de certaines occasions de belles apparences.
Il semble mesme qu’elle ait quelquefois produit de bonnes actions : Mais
en effet elles ont presque tousiours esté si defectueuses, ou dans elles-mesmes,
ou par leurs circonstances, que l’on ne peut prendre auec raison le sentiment
qui les a causees, que pour l’impetueux mouuement de quelques
esprits naturellement genereux, qui eussent peut-estre aymé la vertu s’ils
l’eussent conneuë. Leur fin la plus ordinaire a esté la gloire, qui mesme selon
leurs maximes estoit criminelle. La plus excusable a esté la complaisance
& la satisfaction qu’ils ont cherchee dans eux-mesmes, & qu’ils nont iamais
trouuee. Ils n’en ont iamais eu de solidement bonne ; Et ie ne puis m’imaginer
leurs actions les plus esclatantes, & mesme celles qui ont passé
pour estre les plus vtiles au public, que comme ces grandes riuieres qui
portent l’abondance dans les Prouinces qu’elles arrousent, mais qui ne
laissent pas en mesme temps dans leur plus grande largeur d estre encore
toutes troublées par la fange, & par les impuretez qui descendent du costé
de leurs sources, ou qui tombent dans la suite de leur cour.

La Religion Chrestienne agit sans doute auec beaucoup plus de force &
de vigueur. Elle ne redresse pas seulement les intentions des hommes ; Elle
ne leur dõne pas seulement des veuës plus hautes & plus éleuées ; Mais encore
elle les rend capables de se seruir de ses lumieres ; Elle purifie & leurs
volontez & leurs actions ; & en vn sens on peut dire tres veritablement
que par vn changement prodigieux, des crimes mesmes elle fait des vertus.

Sainct Paul ne respire que le sang des Disciples de Iesus-Christ ; il ne



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