Davenne, François [?] [1651 [?]], REFLEXION MORALE SVR LA SAPIENCE estimée folie des Sages du Monde, adressée à sa Majesté Regente, à leurs Altesses, & à l’Autheur d’icelle. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_19_8.
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REFLEXION MORALE SVR LA SAPIENCE
estimée folie des Sages du Monde, adressée à sa Majesté Regente,
à leurs Altesses, & à l’Autheur d’icelle.

IESVS-CHRIST, lequel est descendu du Ciel en terre pour communiquer
la Paix aux hommes, dit neantmoins qu’il ne l’apportoit pas au
monde, ains vn glaiue de diuision ; & nous voyons qu’il ne l’a deposée
qu’en ceux que son pere elisoit à sa grace, & lesquels sa misericorde attira
dans la penitence, afin d’imiter ses vestiges.

Or faut-il s’estonner, MADAME, si son S. Esprit suit cette voye, & si Vostre
Majesté, & leurs Altesses, ont eu de semblables atteintes de ceux par la bouche desquels
il fait retentir sa parole iusques dans le Palais des Princes ; ou pour leur faire apprehender
ses iugemens, à cause de ses seueres menaces, ou afin de les obliger à se mieux
ioindre au moment qu’il les diuise, pour receuoir cette Paix qu’ils ont tant rebutée,
s’ils en sont dignes, ou leur faire reietter, afin de n’estre pas les instruments qui la
porteront aux Peuples, s’il ne leur fait point cette grace ?

Ie ne m’ébahis pas de cette procedure, parce qu’elle n’est point extraordinaire,
puis que quand le Paraclet voulut épancher le repos aux Disciples, il ébranla tout le
Cenacle, & que Dieu châtie ceux qu’il aime, comme dit l’Apostre, en les faisant noircir
de milles outrages, par ceux qui les en laueront s’ils se conuertissent ; mais plustost i’admire
la paternelle bonté d’vn Souuerain, qui épouuante ses enfans par des douces soueritez
& des rigoureuses menaces, & lequel auec la force qu’il donne à l’vn il corrige les autres,
pour les faire entremordre cruellement, & faire terminer tous leurs debats en des
baisers pacifiques.

En effet, qui n’admireroit sa diuine prouidence, de faire arguer par vn iuste vn qui se
doit iustifier, tant pour l’obliger de monter de vertu en vertu à l’vtilité des Peuples, que
l’empêcher de descendre de vice en vice au desaduantage de tous les hommes. N’admirõs
pas, mais plûtost, adorons ces mysteres : Dieu mortifie & viuifie, il conduit aux enfers,
& en retire, dit le Prophete. Il expose vn homme de bien pour en guerroyer cinq ou six
qui le peuuent parfaitement estre, afin de seruir d’instrumens & des vases par le moyen
desquels la bonace du Ciel s’épanche sur la terre. Reuerons ces prodiges, parce qu’ils
surpassent la Nature : Il faut, pour l’amour de Dieu, se veritablement vaincre soy-même,
puis qu’en tançant les Princes, afin de leur imprimer la crainte des eternels oracles, on
s’abandonne à se faire lapider de tous, pour procurer a vn chacun le diuin calme.

La Diuinité, qui ne manque point de finesses, & qui n’ignore pas la voye qu’il faut
tenir pour arrester les hommes qui s’emportent ou qui pourroient s’emporter, soubs pretexte
de quelque ambition, aprés le trouble d’vne guerre qui dure depuis trente années ;
sçait se sentier qu’il faut tenir pour persuader à des Princes, naturellement remüans, qu’il
faut enfin faire joug, & ioindre à leurs illustres lauriers des douces oliues. C’est pour cela



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