D. P., sieur de S. [signé] [1649], LETTRE D’VN VERITABLE FRANÇOIS A MONSEIGNEVR LE DVC D’ORLEANS. , françaisRéférence RIM : M0_1898. Cote locale : B_5_44.
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Tellement qu’on luy impose silence, & on luy oste par ce
moyen la voix qui estoit la seule consolation qui luy restoit dãs
son infortune. C’estoit trop peu pour les desseins de ce barbare
Ministre. On s’asseure des plus zelez & des plus courageux de
ce grand corps: On les arrache du trosne de la iustice & du lit
des Roys, pour les conduire dans des tristes & mal-heureuses
prisons: sçachant bien que les Loix estoient viuement animees
par leur parole, & que la iustice se resiouyssoit de se voir en leur
voix comme en son lustre & en son plus haut appareil. Cette
violence n’eust point d’autre effet que d’émouuoir les peuples.
L’amour charitable que la nature leur a graué dans le cœur enuers
leur patrie, leur met en vn moment les armes entre les
mains : Ils ne peuuent souffrir qu’on leur rauisse leurs Peres &
leurs Protecteurs; & commençans à ne rien plus esperer, ils
commencent à ne rien plus craindre, & estant pour conseruer
leurs vies, non seulement les plus iustes moyens, mais
encore ceux qui leur semblent les plus asseurez. Mais Dieu
qui preside au gouuernement des Empires, calma en vn instant
cette effroyable tempeste, & redonna à cette Ville sa premiere
tranquillité. On commencoit desia de se promettre quelque
heureux changement dans le gouuernement de l’Estat, lors
que par vn attentat inouy le Cardinal Mazarin nous desrobe,
à la faueur des tenebres, l’auguste & sacree personne de nostre
Prince, & nous despoüille de ce riche tresor que Dieu auoit
accordé à nos larmes, & qui n’est pas moins le Fils de nos prieres,
qu’il l’est des entrailles de nostre vertueuse Reyne.
Et i’ose dire, MONSEIGNEVR (parce que ie ne sçaurois le
dissimuler) que V. A. R. s’est renduë complice de ce larcin sacrilege,
& que vous auez voulu estre rauisseur d’vn bien
dont vous estiez le vray & legitime depositaire. Ie sçay bien,
MONSEIGNEVR, que l’on vous a persuadé que l’execution
de ce lasche dessein estoit non seulement iuste, mais encore necessaire,
puis qu’il s’agissoit de la conseruation de la personne
du Roy qui est à l’Estat, ce que le cœur est au corps humain, le
Soleil à la nature, le pere à la famille & le pilote au vaisseau.
Mais il est du sage & iudicieux Prince de connoistre la probité
de ceux qui le conseillent: parce que d’ordinaire ils cachent le
mensonge sous les habits de la verité, & n’esleuẽt leurs fortunes
que sur les ruines & les debris de la reputation de leurs Maistres.


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