D. B. [signé] / Cyrano de Bergerac, Savinien de [?] [1649], LE GAZETTIER DES-INTERESSÉ, ET LE TESTAMENT DE IVLES MAZARIN , françaisRéférence RIM : M0_1466. Cote locale : E_1_58.
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luy donne de grand cœur vne Rose de Diamant, dont les Messieurs de Barcelonne
me firent vn present à ma premiere arriuée du prix de 50. mille escus.

 

Ie donne à la Sorbonne cent mille escus que i’ay à Rome dans le Mont de
Pitié : mais ie veux & entends que le reuenu de cette somme soit employé
pour seruir de subuention à des pauures estudians.

Les Poëtes de cette tres fameuse ville de Paris, pour recompense de tant de
vers qu’ils ont eu faits à ma loüange, agreeront, le present que ie leur faits
de mon Hostel, où i’entends qu’ils demeureront, & lequel ils ne pourront
vendre ny alliener pour quelque raison que ce soit : Au contraire seront tenus
d’y receuoir tous les autres Poëtes François durant vn mois : Et les Estrangers,
Grecs, Latins & Italiens quinze iours tant seulement ; Et pour ce
suiet, ils iouyront du reuenu de cinquante mille escus que i’ay mis entre les
mains des Banquiers de Lion.

Ie desire reconnoistre auec passion le merite des hommes illustres de la
France, que ie supplie tres-humblement de me vouloir pardonner si ie n’ay
pas fait beaucoup d’estime de leur condition, ie donne & legue à chacun d’iceux
cent mille francs : qui seront tirez des quatorze millions que i’ay presté
à la Republique de Venise.

Ie desire reconnoistre les Imprimeurs & Vendeurs de placarts & libelles,
pour témoigner que ie n’ay pas aucune animosité cõtr’eux, bien qu’ils ayent
mis en lumiere vn nombre infini de pieces contre moy, ie donne à chacun
vingt escus, lesquelles sommes seront tirées du tresor de mon espargne.

Et parce que i’ay besoin en cette presente occasion de la grace particuliere
du Ciel, ie dõne à tous les Cloistres & Monasteresdes Mandiants de Paris &
des Fauxbourgs d’iceluy, à chacun la somme de trois cens mil liures, afin que
par leurs prieres, ieusnes & disciplines, Dieu me comble de ses benedictions.

Ie donne & legue la somme de cent mil liures que le Senat de Naples me
doit, à des pauures filles nubiles, laquelle dite somme sera distribuée par les
Peres Iesuites, comme ils iugeront à propos.

En dernier lieu, Ie donne & legue au grand Hostel Dieu, la somme de quatre
cens mil liures, que ma grande Niepce sera tenuë de bailler & deliurer
entre les mains de Messieurs les Administrateurs & Recteurs dudit Hostel
Dieu à leur premiere requisition, à condition que tous les passans de Sicile
bien qu’ils soient en bonne santé, y seront receus & nourris durant quinze
iours.

Ie veux & entends qu’au commencement de ce present Codicile soit escrit
ce vers,
Fronte capillat a occasio vertice calua.

Et que l’on adiouste foy à toutes les copies de mesme qu’à l’original.

Ie supplie tres humblement ces grands personnages du tres illustre Parlement
de me vouloir pardonner, & particulierement monsieur de Brusselles à
qui ie suis tres obeyssant seruiteur, ie luy fais present d’vne montre d’horloge,
enrichie de diamans & d’autres pierres precieuses, l’asseurant que ie
n’ay point d’autre plus grand desplaisir dans le monde que celuy de l’auoir
offencé.

Le present Testament a esté fait en presence de Monsieur le Chancelier, &
de plusieurs tesmoins signez dans l’original, le 7. iour de Mars 1649.

FIN.



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