Caussin, Nicolas (R. P.) [signé] [1649], LETTRE DV R. P. N. CAVSSIN DE LA COMPAGNIE DE IESVS. A VNE PERSONNE ILLVSTRE Sur la curiosité des Horoscopes. , français, latinRéférence RIM : M0_2132. Cote locale : C_3_75.
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la vie courte, les iugemens douteux, & les experiences incertaines.

 

C’est vouloir escrire sur vne riuiere courante, que d’arrester
des iugemens sur vn corps si rapide que le Ciel : l’heure
que nous pensons appartenir à nostre naissance, est des-ja passée
dans le destin d’vn autre qui nous a precedé, ou passera en
celuy qui nous suit : ils suiuent vn point qui les fuit continuellement
en cherchant le moment de la natiuité, & faute de
l’attraper, ils fondent toutes leurs predictions sur des ruines.

Il ne leur faut pas toutefois nier cette loüange, qu’ayant
mis ce point où ils veulent par vne rectification imaginaire,
ils sont admirables à dire les accidens arriués, lors que l’on
leur en a deduit toute la suite. Ils ont encore cette proprieté
qu’a chaque natiuité ils deuinent tout ce qu’ils veulent, sans
sçauoir le iour ny l’heure, comme en celle de Luther, où tous
predirent son apostasie, quoy que pas vn n’eust le vray temps
de sa naissance. Mais comment seroient-ils d’accord en tant
d’articles si importans, veu qu’ils disputent encore du champ
de bataille où ils font combattre les Astres, & ne s’accordent
point sur le partage des maisons d’vn Horoscope.

Ils font d’agreables Romans sur les estoilles, auec leur forces
& leur debilitez qui n’ont rien de plus foible que leur
imagination. Ces maisons de peres & de meres, de mary & de
femmes, defreres & d’enfans, n’ont esté trouuées que pour
trouuer du gain dans vne science perduë. Ces triplicites,
ces ioyes, ces chariots, ces exils, ces antisces, ces brulemens
de planettes, ces termes, ces almugées, ces azemenes, ces
donneurs de temps & d’années, qui iamais ne donnerent vne
minute, & tout ce qu’ils disent de l’Hyleg, de l’Alcochodon,
de l’Algebuthar, sont des termes specieux, semblables à ceux
des Valentiniens, ou aux inuentions des Ægyptiens, qui faisoient
des temples dorez pour y loger des rats.

Leurs directions ne subsistent que dans l’agencement de l’imagination,
sans aucune raison naturelle, & trompent à tout
moment.

Toutes les autres sciences ont quelque chef qu’on peut raisonnablement
suiure, mais icy vous voyez de grands labyrinthes,



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