B.,? [1649], LES SENTIMENS DV VRAY CITOYEN, SVR LA PAIX & vnion de la Ville. Par le Sieur B. , françaisRéférence RIM : M0_3657. Cote locale : C_10_6.
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tout cas iustiffier nos armes & nos desseins & conuaincre nos ennemis de leur derniere
iniustice. D’ailleurs si nous sommes deceus, ou que cette Paix ne se puisse acheuer
à la gloire & l’aduantage du party, quelles vtilitez y aurons nous perduës
que nous ne puissions mieux recouurer par le secours de nos voisins ou par les armes
des Estrangers qui prennent part en nos iustes interests, & qu’elles forces pouuous
nous auoir quelles ne se trouuent alors augmentées par nos propres resolutions, &
par la protection de Dieu mesme, qui se plaist à confondre les superbes & les tyrans.

 

Voila, Citoyens, l’vn des Aduis que i’auois à vous donner sur les dispositions de
la Paix il en reste encores vn qui n’est pas moins important. C’est la concorde & l’vnion
que vous deuez auoir entre vous, du moins si vous desirez vaincre & surmonter
vos ennemis ; Ce n’est pas tout que d’entreprendre il faut preuoir aux moyens de
reüssir, & dans ce grand dessein qui vous engage auec la fortune de tous les peuples
le soin qui vous doit le plus occuper, est de conseruer vne vnion parfaite auec
tous vos Chefs : & d’auoir pour eux vne obeïssance aueugle auec vne estime raisonnable
de leur conduite & de leur courage autrement si ces choses vous manquent,
cette ardeur & cette emulation genereuse qui fait les prodiges & les miracles
se relaschera bien-tost, & les actions les plus considerables demeureront imparfaites,
& sans aucun effect.

Le second soin, que vous deuez auoir, est de secourir la chose publique de vos
aduis & de vostre argent dans les pressantes necessitez, & de preferer en toutes choses
le bien public à vostre interest particulier. C’est ce qui s’appelle vne veritable
vnion, & ce qui fait que Venise resiste au Turc depuis tant de siecles, & que Rome
& Athenes se sont veuës les maistresses du monde. Ceux qui suiuront des maximes
contraires soit au respect des sieges ou du progrés des Villes ne verrõt pas les iours
heureux, & quelque fortune qui les puisse accompagner, ils tomberont tousiours
dans l’opprobre de leurs voisins ou de leurs ennemis. La plus grande Cité du monde
qui commandoit à l’Empire de Grece par la diuision, & par l’extreme auarice
de ses habitans, a veu changer ses Loix, son Monarque, & sa Religion qu’elle entraisna
dans son mesme tombeau, & ie pourrois rapporter vne infinité de desastres
pareils s’il en estoit besoin, & si la necessité presente ne nous en faisoit assez voit le
peril. Conserués donc cette vnion, chers Citoyens, puis qu’elle fait vostre puissance
& vostre grandeur, & qu’elle est de soy si parfaite & si desirable ; seruez vous
de ces exemples, & de celuy mesme de la Nature qui n’opere ses merueilles, & ne
souffre ses accidens que par ces differends & contraires effets.

Que si comme Chrestiens, vous voulez encherir sur ce commun aduantage,
vous ferez encores plus, si dans la conioncture presente vous supportez courageusement
les trauaux & les necessitez du siege, & si vous auez assez de tendresse & de
charité pour secourir ceux qui se trouueront plus pressez & plus incommodez que
vous, chacun se doit manifester en cette grande occasion, & mettre à l’épreuue son
courage & sa vertu. Ce n’est pas tousiours dans la Paix, & dans loisiueté que s’exercent
les plus belles actions, la guerre & les calamitez ont fait plus de Saincts, & plus
d’hommes illustres, que l’abondance & le repos, & de quelques trauaux dont le siege
vous puisse menacer, vous les surmonterez sans doute, si chacun veut s’éforcer
à bien faire, & ces mesmes trauaux ne vous seront pas inutils s’ils peuuent vous
rendre vertueux.

Mais il me semble que i’entends encore le mutin ou plustost le seditieux, qui s’attroupe



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