B. D. [signé] / Cyrano de Bergerac, Savinien de [?] [1649], LETTRE DE CONSOLATION ENVOYEE A MADAME LA DVCHESSE DE ROHAN, SVR LA MORT DE FEV MONSIEVR LE DVC DE ROHAN SON FILS, SVRNOMMÉ TANCREDE. , françaisRéférence RIM : M0_1922. Cote locale : C_3_70.
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presque autant de peur que le malade. Si vous ne faisiez
pas profession du Christianisme, & encore du
Christianisme purifié, ie vous consolerois par des
exemples de Meres payennes, qui ont supporté constamment
la mort de leurs enfans, qui auoient à peu
prés les qualitez, & l’âge du vostre. Il ne faudroit que
vous alleguer la force d’esprit de cette capable, & iudicieuse
Imperatrice, touchant la mort de Drusus qui
estoit l’amour, & l’esperance des Romains. Ie vous
dirois que la mort du braue Tancrede est plustost digne
d’enuie, que de compassion, & que c’est la fin ou
tendent les heros, & les conquerans. Ie vous demanderois,
MADAME, s’il n’est pas vray que lors que
vous le mistes au monde, vous le voüastes au seruice
de Dieu, du Roy, & de la patrie, & ie conclurois de
vostre confession, que vos vœux & les siens ont esté
accomplis dans vne mort si glorieuse. Ie vous dirois
aussi que la plus forte, & la plus iuste de vos passions
estoit qu’il fut reconnû pour fils & legitime heritier
de feu M. le Duc de Rohan vostre cher Espoux, &
que cette mort en auoit leué toutes les doutes des ames
les plus opiniastres : s’il eut vécu dauantage, il eust pû
faire vn plus grand nombre de belles actions ; mais il
n’en pouuoit iamais faire de plus heroïque que celle
où il s’est obligé tous les gẽs de bien qui sont en France,
puis qu’il a prodigué son sang pour leur conseruation,
& qu’il a donné la fleur de ses ans pour auancer
les fruits de leurs conseils, & de leurs armes. Ie vous
pourrois dire aussi que l’ayant autresfois crû mort
durant l’espace de sept ans, vous estiez en quelque façon


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