Anonyme [1651], TRES-HVMBLES REMONSTRANCES FAITES AV ROY, DANS SON AVENEMENT EN SA MAIORITÉ. Sur les desordres de l’Estat & restablissement d’vn premier Ministre. , françaisRéférence RIM : M0_3836. Cote locale : B_1_4.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 22 --

comme celuy des Estoilles deuant cét Astre, Elle doit moins endurer
que luy, vn autre Soleil dans son Royaume, c’est à dire vn
autre esgal à [1 lettre il.]oy : Car cette esgalité [3 lettre ill.]niroit le lustre de vostre
Trosne, & enfin il obscurciroit, affoibliroit vostre puissance, &
enfin la destruiroit. Ie prendray, SIRE, la hardiesse de dire à vostre
Majesté, que si elle establit vn premier Ministre dans ses affaires,
quelque nouueau nom qu on luy donne, soit de President,
des depesches, ou vn autre, Par cét establissement, qui n’est point
necessaire vostre Majesté se fera vn Compagnon de sa Royauté,
vn associe au gouuernement de son Estat, & vn Maistre insolent,
quoy qu’il agisse sous vostre [1mot ill.], & par vostre authorité,
bien plus elle mettra entre les mains d’vn de ses subjets le gouuernement
absolu du Royaume, & se despoüillera de l’exercice
de sa charge, pour l’en reuestir, ne se retenant que le nom de
Roy ; Elle donnera mesme la hardiesse à vn de ses suiets d’entreprendre
sur les honneurs de vostre Dignité, & de pousser encor
plus haut sa fortune, comme nous en auons l’exemple ; Enfin elle
dressera vn Idole à ses sujets, pour lequel ils auront plus de veneration,
que pour vostre Majesté : Ce prodige n’a portera pas vn
moindre preiudice à la France, qu’à vostre Maiesté ? Vne Monarchie
ne peut supporter deux Monarques, non plus que le Ciel
doux Soleils, ny estre soubsmise à deux Maistres ; Elle peut encores
moins endurer vn Monarque legitime, & vn Tyran tout
ensemble, c’est à dire vn premier Ministre : Car son authorité,
comme elle est vsurpée sur la vostre, pour s’establir, elle exerce
des rigueurs & violences insuportables, & impose vn jong Tyrannique
sur vos sujets, de quelque qualité & condition qu’ils
soient : Enfin cette diuersité de puissance ne causera pas de
moindres desordres à la France, que deux Soleils à la Nature.

 

SIRE, ce discours que i’auance à vostre Majesté, sur les inconuenients
de cét establissement, n’est pas vn discours temeraire,
il est fondé sur la raison & experience : Car qu’en-ce qu’vn
premier Ministre, sinon vn precieux Fauory, auquel le Prince a
confie l’entiere administration de son Estat, & la disposition de
ses graces ? Vn si grand pouuoir est vne violente tentation à vn
ambitieux, pour vouloir monter iusques an Trosne, & y vouloir
prendre place ; ce mal ne paroist pas tout d’vn coup, il a ses progrez ;



page précédent(e)

page suivant(e)