Anonyme [1649], TRES-HVMBLES REMONSTRANCES DE LA PROVINCE DE GVYENNE, AV ROY. , français, latinRéférence RIM : M0_3828. Cote locale : A_8_1.
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d’vn nom aussi ancien que celuy de la liberté. Ie
voyois que tant de lauriers alloient tomber dans la
bouë, tant d’auantages perissoient à la rade & à la veille
de surgir à vne bonne Paix ; qu’enfin tout ce qui
vous apartient par amour, n’y retournoit que par seruitude,
& qu’il n’y auoit plus d’esperance pour tous
ces Peuples qui estoient nez libres, de mourir comils
auoient vescu.

 

C’est le déplorable estat qui se faisoit voir à mon
esprit, d’vn regne acablé par son propre poids, qui iusqu’icy
auoit tousiours senty l’ancienneté de son extraction,
n’auoit eu que la iustice pour rempart, que le
bonheur & l’abondance pour limites : & ne doit craindre
aussi sa déroute, que dans vn embrasement general.
Mais voycy ce qui la bien tost fortifié, SIRE, c’est
vne vision agreable des plaisirs de vostre ieunesse ;
c’est de voir que vous auez nourry vos plus tendres
inclinations dans la mansuetude, & la douceur enuers
les ennemis, qui est cõme la moisson des vertus Royales,
les autres n’en estant que les semences & les dispositions ;
de voir que Vostre Maiesté s’est consacrée
par l’experience des plus acheuez ; que comme cette
vigne de l’Isle de Naxe, elle a donné les fruicts aussi
tost que les fleurs ; qu’elle s’est épanduë par tout dans
sa source ; & a paru dans son point du iour d’vne grandeur
aussi droicte & aussi eleuée, comme dans son midy.

Il me semble que ie serois trop criminelle, si ie n’auois
tousiours resisté à l’opinion, qu’elle fust capable
d’acceprer l’employ d’aucune vengeance, & ie n’ay
pas manqué de me donner toute à cette pensée, qu’vn
cœur qui sembloit estre nay pour porter la gloire du
monde, ne la soüilleroit iamais dans la mauuaise fortune
de ses suiets. Ie me suis tousiours persuadée que
vous choisiriez plutost de demeurer vn Roy pour
pour iamais offensé, que de deuenir vn vengeur irrité ;



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