Anonyme [1649], TRES-HVMBLES REMONSTRANCES DE LA PROVINCE DE GVYENNE, AV ROY. , français, latinRéférence RIM : M0_3828. Cote locale : C_9_43.
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soigneusement ce tiltre glorieux de Pere de la
Patrie, puis qu’en effet elle l’est en vn temps où les
autres sont à peine connus pour estre les fils de
leurs propres Peres, & qu’elle peut dire ne se souuenir
pas si elle a commencé de viure, plutost que de
triompher, apres qu’au premier pas qu’elle a iamais
fait, elle a porté ses bornes plus loin que les autres
n’ont porté leurs desirs.

 

Il ne reste plus à Vostre Maiesté, qu’à gagner sur
elle, ce que persõne n’y peut remporter, & en donnant
la Paix à la France, de remettre tant d’affaires que la
fureur à esbranlées, & d’en soutenir d’autres, que la negligence
laisse choir. La faim a mis tant de Peuples
à l’extremité, qu’il est à craindre qu’ils ne cherchent
leur dernier salut dans le desespoir ; ie dis mesme,
SIRE, en ce qui regarde le repos de leurs ames, qui
en contractant quelque dureté dans les guerres ; peuuent
tomber dans vn mépris des choses sacrées. Malaisement
peut-on songer à bien viure, quand on a de
la peine à viure seulement, & les Preceptes de la. Sagesse
sont d’ordinaire courts, & insuffisans à des necessiteux.
Faites, grand Roy, qu’ils puissent dõner autant
de benedictions sur la felicité de vostre temps, que de
celuy de l’Empereur Auguste, quand il disoit, qu’il
aymoit mieux escouter vn Artisan qui loüoit sa prouidence,
& sa douceur en vne mauuaise saison, que la
voix d’vn Panegyriste, qui recitoit à la posterité les
merueilles de ses actions. Encore faut il que le lierre
embrasse quelque iour le fer du Tyrse, & que cette
pitoyable Déesse, qui par quelque malheur s’est arrestée
au fonds de la boëtte de Pandore, en sorte auec
ses plus fauorables regards, & fasse voir au monde ce
qu’il y a de richesses & de plaisirs : si nos ennemis s’opiniatrent
dauantage, ils apprendront que le sang des
Frãçois ne se donne pas, mais qu’il se vend bien cherement,
& que là où la fortune leur manque, le cœur ne



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