Anonyme [1649], TRES-HVMBLE REMONSTRANCE D’VN GENTIL-HOMME BOVRGVIGNON A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ. AVEC La Response de l’Echo de Charenton, aux plaintes de la France. , françaisRéférence RIM : M0_3812. Cote locale : A_8_76.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 3 --

vostre Altesse vn changement si blasmable. Ma raison & mon
iugement s’y perdent. Est-ce vn mouuement de vostre zele
à seruir le Roy ? Vous le deseruez, MONSEIGNEVR,
plus que vous ne le seruez, vous rendant Ministre des passions
d’vn mauuais Ministre d’Estat. Et vous aurez vn iour bien de
la peine à prouuer à ce ieune Monarque, qu’vn Prince voulust
sauuer vn corps dont il attaquoit la teste, & qu’outrageant
Paris, il en voulust à Madril. Est-ce l’amour de la gloire
si naturel aux ames genereuses ? Croyez-moy, on ne la
trouue iamais où vous la cherchez ; Et ce n’est pas dans le
sein de vostre Patrie que le Ciel fait croistre les lauriers que
vous esperez y ceuillir. C’est dans la Flandre, MONSEIGNEVR,
& dans l’Espagne, où l’on en voit renaistre d’autres de la tige
de ceux que vous auez moissonnez. Et vous ne deuez esperer
d’vne guerre ciuile ; que des victoires non moins honteuses
aux vainqueurs, que funestes aux vaincus. Si vostre naissance
estoit moins illustre, ie vous demanderois si c’est
l’esperance du gain. Mais l’ame d’vn Prince est tousiours
incapable d’vn si lasche mouuement. Et c’est vn motif
que ie ne sçaurois me figurer sans extrauagance. On en peut
conceuoir quelques autres, qui ne me semblent pas moins
chimeriques. Et l’on a sujet de croire plus raisonnablement,
que vous n’en auez aucun. Mais que ce mauuais genie, dont
la Sicile a fait present à la France, & qui voudroit nous faire
chanter Complies si long-temps apres Vespres, a tellement
charmé vostre esprit, apres auoir éblouy celuy de la Reine,
qu’il tient vostre valeur comme aux gages de sa lascheté. Si
cela est, MONSEIGNEVR, ie prie le Ciel de rendre vains
les efforts d’vne si noire Magie qu’est celle de ce déloial, & de
faire voir à vostre Altesse, & pour qui, & contre qui elle s’est
declarée. C’est contre vostre Patrie, pour vn de ses plus
lasches ennemis. C’est contre vn Frere, contre vne Sœur, &
contre vn Allié pour vn Estranger. Ce n’est pas ce que nous
promettoient les ciuilitez qu’en diuerses occasions vous auez
si genereusement renduës au premier Parlement de la France.


page précédent(e)

page suivant(e)