Anonyme [1649], TRES-HVMBLE REMONSTRANCE DV PARLEMENT AV ROY, ET A LA REYNE REGENTE. , françaisRéférence RIM : M0_3814. Cote locale : C_9_50.
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Toutes ces considerations, MADAME, nous estoient des
gages asseurez, que pendant vostre Regence nous ne pourrions
tomber en de semblables mal-heurs. Mais comme c’est
le defaut ordinaire des Bons (quelque illuminez qu’ils soient)
de n’auoir pas assez de défiance des Meschans, pource que leur
interieur est tousiours couuert de bonne apparence, que plus
leur poison est dangereux, plus ils le rendent agreable au
goust, & que d’ailleurs les Princes entre tous les hommes sont
les plus exposez à leurs surprises, ayans plus de bien entre les
mains ; il est arriué que le Cardinal Mazarin, esleué par le Cardinal
de Richelieu, nourry dans ses maximes ambitieuses, &
formé dans ses artifices, succedant à son ministere, a succedé
pareillement à ses desseins. Il n’a pas plûtost eu l’honneur de
vostre choix au maniment des affaires, qu’il n’en ayt abusé, &
qu’oubliant son deuoir & les obligations qu’il auoit à sa Bien-factrice,
suiuant l’exemple de celuy qui l’auoit instruit, il
n’ayt dressé toute sa conduite à vsurper la supréme authorité,
dont vous estes la tutrice. De maniere que dés lors iusques
à present nous l’auons veu Maistre de la personne du Roy sous
le nouueau titre d’Intendant de son education, & disposer
sans reserue des Charges, des Dignitez, des Places, des Gouuernemens,
des Armes & des Finances ; conferer toutes les
graces, sans vous donner part à la gratitude ; ordonner les peines,
vous en laissant toute l’enuie ; & qu’en effet tous les Subjets
du Roy & leurs fortunes particulieres, aussi bien que la fortune
publique, sont en sa seule dependance.

De là il est arriué, MADAME, que comme les interests
de ceux qui entreprennent sur l’authorité souueraine, sont toûjours
contraires à l’interest du Souuerain, nous auons veu sous
son ministere vn vsage de Politique estrange & toute opposée
à nos mœurs ; les vrais interests de l’Estat abandonnez ou trahis,
la continuation de la Guerre, l’éloignement de la Paix, les
Peuples épuisez, les Finances dissipées ou destournées, tout ce
qu’il y a de considerable dans le Royaume, ou corrompu, ou
opprimé, pour assujettir tous les François sous la puissance d’vn
seul Estranger. Et finalement l’Estat au poinct où il est, à la
veille de sa ruine, si Dieu n’y met puissamment la main.



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