Anonyme [1649], TRES-HVMBLE REMONSTRANCE DV PARLEMENT AV ROY, ET A LA REYNE REGENTE. , françaisRéférence RIM : M0_3814. Cote locale : C_9_50.
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Qui ne void que le Cardinal Mazarin a toûjours voulu continuer
la Guerre, & éloigner la Paix, afin de se rendre plus
necessaire & auoir plus de pretextes de leuer de grandes sommes
de deniers pour s’enrichir ? Qui n’a descouuert qu’en plusieurs
occasions il a empesché nos succez, pour faire balancer
les affaires ? Tesmoin nos armées perduës faute de subsistance
deuant Lerida, les foibles secours de Naples enuoyez à contretemps,
le siege de Cremone, la perte de Courtray & autres
actions de cette qualité.

Et quant à la negociation de la Paix, Qui est si grossier qui
ne iuge, qu’il n’a iamais voulu donner part au secret de l’affaire
qu’à son Confident, quoy que le Duc de Longueuille & les
autres Deputez de probité reconnuë, ne peussent estre suspects,
& qu’il a mieux aymé perdre nos Alliez, que de faire la
Paix coniointement auec eux ; ce qui seroit vne faute criminelle,
quand il n’y auroit point d’infidelité : & si les declarations
vniformes des Nonces font quelque foy ; si la propre
confession dudit Cardinal peut seruir à le conuaincre, apres
auoir dit tant de fois, qu’il tenoit la paix entre ses mains, outre
la voix publique qui le declare par tout, & la chose qui parle
d’elle-mesme ; Il n’est que trop éuident qu’il a trahy nos vrais
interests en cette affaire si importante : Et cette seule preuarication
en vn sujet de cette qualité, ne meriteroit-elle pas vn
supplice, qui égalast en quelque sorte les miseres & les desolations
qu’elle a causées. Mais on peut encore raisonnablement
tirer cette induction de son procedé, qu’il auoit la pensée de
partager vn iour la France auec l’Espagnol, & nous sommes
peut estre à la veille de l’esprouuer.

Quant à l’abus & la depredation des Finances, le Cardinal
Mazarin oseroit il dire, qu’il y ayt eu quelques limites à sa conuoitise.
SIRE, les Souuerains, legitimes tuteurs du Peuple,
regardent leur bien comme le bien d’autruy, pour en vser ; &
pour le conseruer, ils le considerent comme leur bien propre :
de maniere qu’ils n’y mettent iamais la main sans necessité, ny
sans mesure. Mais les Vsurpateurs de l’authorité souueraine
regardent le bien du Peuple comme leur proye, sont auides
de sa substance, & la derniere goutte de son sang est la seule
borne de leur cupidité.



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