PREVENEZ ie vous prie, MADAME, par la clemence
la voix estonnante du sang de tant de sujets, que nous voyons
prests à sortir de leurs veines, au premier coup que leur donnera
vne guerre domestique : Empeschez promptement que
ce sang ne soit inhumainement respandu, de crainte qu’aussitost
qu’il sera versé sur la terre, il ne s’esleue vers le Ciel contre
vous, comme autresfois le sang des Prophetes & des Martyrs,
attira les foudres & la colere de Dieu sur vne Princesse qui l’auoit
espuisé ; & comme ce sang conserué dans les veines de vos
sujets par vn effet signalé de vostre bonté, ne peut parler à
Dieu qu’en vostre faueur, & ne luy demandera que des graces
& des prosperitez pour vostre Majesté. Elle se doit asseurer
qu’au mesme temps qu’il sortira de ses vaisseaux par le consentement
que vous auez donné à vne si violente entreprise, il
n’aura plus qu’vne voix de fureur & des cris de vengeance, demandant
incessamment Iustice contre vne puissance Souueraine,
laquelle ayant esté priée par tant de sousmissions, par
tant de vœux & de larmes, d’arrester ce torrent, ne l’aura pas
voulu, ayant preferé la conseruation d’vn Particulier à la ruine
de tous ses suiets, & à la desolation entiere de l’Estat ; & ayant
refusé d’acquiescer & mesme de prester l’oreille aux conseils
moderez des personnes les mieux sensées du Royaume, pour
suiure les fougues d’vn Esprit, qui souffre l’inquietude & les ardeurs
du feu, sans en posseder la lumiere ny l’esclat, qui luy seroient
necessaires pour la conduitte de ses desseins ; & pour se
deffendre du precipice qu’il a preparé a de plus innocens & de
moins passionez que luy.

Souuenez-vous, MADAME, de ce Prince qui
mit le Royaume d’Israël en proye, & qui des douze Tributs
à peine s’en peût conseruer vne seule, pour auoir reietté
auec mespris les sages, & les moderez conseils des plus