Anonyme [1649], SEANCE DV ROY LOVYS XIV EN SON LICT DE IVSTICE, EN PARLEMENT ou les vrayes Harangues de Messieurs le Chancelier premier President, & Talon Aduocat General. , françaisRéférence RIM : M0_3600. Cote locale : C_10_2.
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son suiet par sa trop grande actiuité ; Ainsi si vous auez veu quelque
sorte de resistance, çà esté plustost pour affermir vostre authorité,
que non pas pour l’esbransler. Les astres attirent bien souuent
des vapeurs de la terre, dont il se forme des nüées, & mesme des
meteores qui les imitent, comme le Pathelion, & ne se plaignent
point que ces vapeurs obscur cissent leur lumiere ; puis qu’elles ne
s’opposent que pour empescher que leur ardeur ne brusle la terre,
& se resoudent en suite en pluyes & en rosées, qui fertilisent les
campagnes. C’est ainsi que cette compagnie s’est comme interposée
entre vostre Maiesté & les peuples, elle est comme au milieu, & n’a
addressé sa voix à vostre Maiesté, qu’apres auoir esté sollicitée par
les cris de plusieurs prouinces, qui gemissent sous la misere, & dont
les plaintes ne peuuent paruenir iusqu’au cabinet de vostre Maiesté.
Nous faisons iustement comme ces oyseaux qu’on appelle seleucides,
qui ne se font voir aux habitans du mont caucase, qu’apres
qu’ils sont dans des vallées presque mãgées des sauterelles. Faites, s’il
vous plaist, Sire, reflexion sur cecy, & considerez que comme il est
dit dans le prophete, que Dieu escouta la voix des cieux, & que
les cieux n’estoient que les Interpretes des voix de la terre ; de mesme
que le Parlement ne vous represente que la voix des peuples opprimez :
& croyez, madame, que les Roys ne seroient point en tutelle,
pour escouter les plaintes du peuple, & les supplications de cette
compagnie, & suiure les loix establies dans l’estat & approuuer par
vostre authorité le procedé de cette compagnie, qui est conforme à
l’intention de ceux qui ont estably les Parlemens, authorisé par le cõsentemẽt
de vos predecesseurs & la possession des siecles precedens.

 

Il est vray que vostre Maiesté a desia rendu de grands tesmoignages
de sa bonté enuers ses peuples. C’est pour quoy nous vous deuons
des acclamatiõs, des triomphes, & mesme des dedicaces comme
l’on erigea autrefois à Rome vn temple en l’honneur de l’Empereur
Adrian ; parce qu’il auoit remis au peuple romain les vieux
arrerages des ttibuts. Ce ne ne sera plus à present des pauures peuples
que l’on tirera dequoy fournir aux despenses de la guerre. Faut
faire desgorger ces sang sües du peuple, ces gens qui nous ont fait
souffrir les incommoditez de la paix parmy les maux de la guerre, qui
ont introduit la disette dans l’Estat, & le luxe dans les familles particulieres,
qui se cachent toutesfois, & n’osent monstrer qu’ils ayent
quelque chose ; parce que leur grande fortune, c’est la conuictiõ
de leurs crimes. C’est de ces thresors cachez, de ces fortunes d’or
qu’il est parlé parmy nous, qu’il est permis aux Princes de s’enrichir ;
& ce n’est plus des entrailles de la terre qu’il faut tirer des richesses,
c’est du prix des terres nouuellement acquises. Pour nous, nous marchons
sur l’Ecliptique parcourant toutes les zones, & n’estant point
attaché à aucune sphere, nous n’auons dans nostre mouuement ny
obliquité, ny trepidation, ny erreur.

FIN.



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