Anonyme [1649], RESPONSE DE LA PLVS FAMEVSE COQVETTE DE L’VNIVERS, A LA LETTRE DV PLVS MALHEVREVX Courtisan de la Terre. Auec plusieurs Questions qu’elle luy fait, pour sçauoir l’explication de ce qu’il veut dire. , françaisRéférence RIM : M0_3393. Cote locale : C_3_21.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 4 --

comme vous dites, cela n’est pas croyable. Le bon cœur & la mauuaise
foy ne comparissent pas bien ensemble. Celles qui donnent
de l’amour & n’en reçoiuent point, se peuuent qualifier Reynes de
quelques hommes : & s’il leur arriue d’estre punies des mesmes armes
qu’elles outragent leurs adorateurs, ce chastiment ne leur
sçauroit estre insupportable ; puis qu’il leur arriue d’vne si belle
cause. Ce n’est donc pas sans raisõ que ie m’estime exẽpte de ces infortunes.
L’esclat de ma beauté ne me rendra iamais idolatre ; ny les
rigueurs que i’exerceray sur moy, ne sçauroient en façõ quelconque
troubler la felicité que ie me dois donner moy-mesmes. Et ne
vous imaginez pas de grace qu’il ne soit possible de faire vn bon iugement
en vostre faueur, tandis que mes sens seront les maistres
de ma connoissance : ny que mes opinions soient sans authorité
non plus que sans raison, pour tirer ses esprits indulgents de l’erreur
où ils se mettent si librement par leur extrauagance. Cettes, si le
Soleil luit pour tout le monde, ie n’ay pas tort de croire qu’il esclaire
pour moy, aussi bien que pour le reste des creatures : Mais
que la cause de sa retraitte soit celle de mes perfections : c’est iustement
dire, que la fin de sa course produit des objets que toute la
Cour reuere. Ouy, ie vous accorde que la terre ne produit des
fleurs & des fruits que pour ceux qui l’habitent ; que ie suis d’vne
condition qui oblige quelques personnes à sacrifier leur vie pour
mon seruice : & que toute la satisfaction qu’ils en doiuent esperer,
est celle de me la rendre : mais vous deuez croire aussi que vous
n’aurez iamais l’honneur d’estre de ce nombre ; puis que nos imaginations
sont innouïes aux sens d’vn homme qui doit estre bientost
Empereur des petites Maisons, si le Ciel prend le soin de le
punir comme il merite. Et lors que ie n’auray plus la grandeur de
mes charmes, & que ie seray la suiuante de ceux que ie fuis, ie
vous promets bien qu’il me restera encore assez dequoy pour vous
retenir quand i’en auray le dessein, & pour vous faire mon esclaue
tant vous estes simple. Et pour vous montrer que ie suis sçauante
en l’histoire, quoy que ce ne soit pas vostre sentiment, ie vous apprends
bien qu’elle ne parle pas encore de vos faits, & quelle n’en
parlera iamais si heureusement pour vous, si la lascheté ne se trouuoit
vtile à l’estat, ou si le sort priué de iugement, ne faisoit des miracles
en faueur de ceux qui en sont indignes. Enfin, si quelques
beautez ont fait naufrage en obseruant mes maximes ; qu’en l’âge


page précédent(e)

page suivant(e)