Anonyme [1652], HISTOIRE DE MAGDELAINE BAVENT, Religieuse du Monastere de Saint Loüis de Louviers. Avec sa Confession generale & testamentaire, où elle declare les abominations, impietez, & sacrileges qu’elle a pratiqué & veu pratiquer, tant dans ledit Monastere, qu’au Sabat, & les personnes qu’elle y a remarquées. Ensemble l’Arrest donné contre Mathurin Picard, Thomas Boullé & ladite Bavent, tous conuaincus du crime de magie. DEDIÉE A MADAME LA DVCHESSE d’Orleans. , françaisRéférence RIM : M0_1640. Cote locale : B_5_56.
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vne bonne parole, ny chasser cette beste importune. Si la sainte
Hostie me fust tirée ou non, je n’en sçay rien. Le Diable l’asseure
en quelqu’vn de mes papiers rendus, & le dit encore parlant de
quelques autres de mes communions ; & ajoûte que c’estoit par
le commandement de Picard. Mais au moins est-il evident d’icy
qu’en communiant je ne luy baillois pas moy-mesme la sainte
Hostie, en m’appliquant à la retirer de ma bouche, ainsi que publient
les filles. Ie puis dire que par la misericorde de Dieu je n’en
ay jamais eu la pensée.

 

Le Diable
[1 mot ill.] à
Magdelaine
Bavent
apres
avoir
communié

Ce meschant Prestre n’en demeura pas là, & il n’en avoit pas
le dessein. Delivrée du chat, ou plûtost du Demon sous cette figure,
Picard me vid le mesme jour, à qui je demanday si c’estoit
là les merveilles qu’il avoit dit en me communiant que je devois
voir. Il me fit response : Tu en verras bien d’autres ; il n’est pas
temps de t’estonner. En effet cela arriva. Ie me souviens que deux
ou trois jours apres, il me dit avec ses familiaritez ordinaires,
Mon cœur, nous nous sommes veus aujourd’huy, ne veux tu pas bien
que nous nous voyons encore ? Ie luy dis qu’oüy : & certes à ma tres-grande
ruine pour mon ame. Dés la nuict prochaine, j’entendis
de mon lict vne voix, comme de quelqu’vne des Religieuses qui
m’appelloit. Il pouvoit estre prés d’onze heures, & j’avois dormy.
Ie me levay, m’en vay vers la porte de ma Cellule, & incõtinent je
me sens enlevée, sans sçavoir par qui, ny comment, perdant toute
connoissance pour lors, jusques à ce que je me vis en certain lieu,
qui m’est inconnu, où il y avoit plusieurs Prestres, & quelques
Religieuses ; & me trouvay aupres de Picard. Il me parle aussi-tost,
& me dit : Hé bien, mon cœur, t’avois-je pas dit avec verité, que nous
nous verrions encore aujourd’huy ? Ie luy repartis qu’oüy, mais que
je ne m’attendois pas que ce fust hors du Monastere, & que je ne
sçauois que signifioit cette assemblée. Il ne me satisfist point là
dessus, & me respondit seulement, que je ne m’en misse point en
peine ; & tira de moy dés ce premier transport vn consentement
verbal à tout ce qui se faisoit en ce lieu, & à tout ce qui devait
estre fait specialement par luy. C’est la seule voy que je sçache,
par laquelle je puisse avoir part aux malefices de la Maison, si Picard
les a posez, & à l’affliction des Religienses, si le mesme les
fait tourmenter. Ie n’ay jamais du depuis donné aucun consentement
particulier, ni à luy ni à d’autres, pour la Maison, & pour



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