Anonyme [1651], RESPONSE A LA DECLARATION DV ROY, Imprimée contre Monsieur de Chasteau-neuf & Madame la Duchesse de Cheureuse. , françaisRéférence RIM : M0_3359. Cote locale : B_14_28.
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M. de Chasteau-neuf fust encores alors dans les fers, & Madame de
Cheureuse hors du Royaume. Apres quoy la Reine rendit à M. de
Chasteau neuf la liberté, & Madame de Cheureuse à son pays, &
voulut bien oublier les tyrãnies de ce Ministre, qu’elle auoit la premiere
le plus rudement ressenties, au lieu d’abolir de ses actes & sa
memoire, comme elle le pouuoit auec iustice. Ces mesmes considerations
retindrent M. de Chasteau-neuf dans le silence, & luy firent
estouffer ses iustes plaintes. Il ne poursuiuit pas, cõme il auoit resolu,
sa iustification particuliere dans le Parlement, puis que cette méme
compagnie aneantissoit cette accusation par vn Arrest si authentique.
Cependant il se trouue des gens assez temeraires pour renouueler
auiourd’huy la memoire de ces maux passez, & en faire comme
des preparatifs d’vne nouuelle persecution.

 

Le Ministere du Cardinal de Richelieu a esté si odieux, & son iniustice
si declarée, que quãd M. de Chasteau neuf n’auroit rien de recommãdable
que la persecution qu’il a soufferte, cette persecution
luy donneroit de l’estime, & seroit vn argument de vertu pour luy. Il
suffiroit à ce grand personnage pour destruire cette Declaration,
de dire qu’elle a esté dictée par la hayne de ce Ministre, qu’elle est
l’ouurage de sa vengeance, mais il faut examiner la cause & le progrez
de cette haine, comment elle entra dans le cœur d’vn bon
Prince, & comment elle s’y est entretenuë.

Le Cardinal qui ne se pouuoit promettre l’authorité independante,
tant que le Roy son Maistre conserueroit quelque bonne volonté
pour la defuncte Reine sa Mere, pour la Reine Regente sa
femme, & pour M. le Duc d’Orleans, trois personnes qui luy estoiẽt
cheres par le Sang, & par son inclination, ayant resolu de les esloigner,
commença par la Reine Mere, & y reüssit par la facilité dont
cette Princesse infortunée se laissa surprẽdre à ses artifices. La Reine
Regente qui n’auoit nulle part aux affaires, donnoit moins de prise
sur ses actions. Et puis la qualité de femme de Roy, resistoit à cet esloignement.
Il ne laissa pas pourtant de trauailler à sa perte, mais
par des voyes tres-secrettes, desquelles Madame de Cheureuse ayant
aduerty sa Majesté, par vn sentiment d’affection, & d’vne fidelité
inuiolable enuers sa Maistresse. Le Cardinal qui le sceut, apres auoir
tenté inutilement tous moyens, pour renger à son party cette Dame
constante & genereuse, prit le conseil de la perdre : & jetta pour
cela dans l’esprit du Roy, tant & tant de mauuais soupçons contre
elle, que Madame de Cheureuse fut forcée de ceder au temps, &
de se retirer. Mais comme elle emporta auec elle son affection & sa
fidelité enuers la Reine, & continua de la seruir. La haine du Cardinal



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