de langage, il n’y a peste plus nuisante à vn Royaume
que ce Predicateur bien emparlé. C’est vn torrent qui se debonde
pour rauager tout vn peuple, sa langue est proprement
vn glaiue duquel depend la vie ou la mort de ceux,
pour & contre lesquels il l’employe, il tonne, il esclaire, il
foudroie, & pesle méle vraye ment le Ciel & la terre, quand
pour venir au dessus de ses intentions, il abuse mal à propos
des passages de la saincte Escriture, par l’explication
desquels il preoccupe & gaigne autant de lieu en leur
creance qu’il veut : il n’y a rien quelque incroyable qu’il
soit, qu’en bien disant il ne rendre probable, & rien de
tant rude & mal poly qui ne soit illustré, & comme agencé
par son bien dire : son parler fait en vne multitude du peuple,
ce que peut faire le fer en vne armée : à ceux mesmement
lesquels le venant ouïr n’y apportent qu’vn esprit de
deuotion & obeïssance dont le Predicateur fait industrieusement
son profit : Il mene & manie leurs esprit à son plaisir,
& scait remuer à propos leurs affections, leur allume &
enflamme le courage de telle sorte qu’ils oublient toute
crainte de danger, toutes obligations de bien-faits. L’ouye
est celuy de cous les sens de Nature, qui porte par le moyen
de la voix de plus & plus grandes passions dedans l’ame.
Pour aller au deuant des effects d’vn tel instrument vous deuez
d’vn commandement absolu faire qu’il bannisse de ses
predications toutes inuectiues, allumettes de seditions,
qu’il ne presche que son texte, l’obeïssance du sujet enuers
son Roy & à peu dire l’vnion & concorde generale des
grands & petits. S’il fait autrement, traittez-le à la façon de
Frere Anthoine Fradin Cordelier, qui fut chassé & banny
du Royaume par Louys vnziesme pour auoir passé les bornes
de ses predications, & disputé de l’Estat de la Couronne
en sa chaire, au lieu de prescher l’Euangile.

Sacre du Roy.

Encores que nous ne puissions forcer les loix de nature,
ie veux dire former & donner à la Ieunesse de nostre