Anonyme [1650], REMONSTRANCES TRES-HVMBLES A LA REYNE MERE REGENTE EN FRANCE. POVR LA CONSERVATION DE l’Estat, pendant la minorité du Roy son Fils. , françaisRéférence RIM : M0_3343. Cote locale : B_4_24.
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sans les faire iuger par Commissaires, ne rompez & enfraignez
l’autorité des saintes loix : que leur vertu ne soit au
papier, ains en l’effect : car l’on iugera de vostre bonté
comme l’on verra vostre inclination se porter à l’obseruation
ou infraction des loix, si vous liez à leur entretien,
vous rendez au peuple ce que vous luy deuez, & aucontraire
si vous les enfraignez, vous priuez le peuple de ce que
vous estes obligée luy laisser & distribuer, dont arriuent
malheurs sans nombre au Roy & à ses sujets. Faites que la
Iustice soit renduë esgalement : Tout ainsi qu’au corps humain
la nature depart a chaque membre autant de nourritur
qu’il luy faut, sans permettre que l’vn sur l’autre vsurpe
rien de l’aliment commun : Ainsi deuez-vous d’vne mesme
balance maintenir les sujets du Roy, gardant que la
substance de l’vn ne passe en l’autre, à fin que d’vn pois
esgalle corps vniuersel soit entretenu. Souuené-vous que
le moindre du Royaume, est aussi bien sujet du Roy, que le
ples opulent, & le plus esleué en dignité. Et pour ce vous
luy deuez en la charge que tenez toute semblable iustice.

 

Voyez aussi que l’aduancement de l’vn, ne soit
le reculement de l’autre : prenez garde qu’il n’y a si
petit cheueu qui ne face ombre contre les rayons du Soleil :
& que sa splendeur de vostre authorité, qui consiste
en la iustice, dimunuera quand elle ne sera pas vniuerselle,
pour donner à vn chacun ce qui luy appartient. Pour
cét effect prestez l’oreille à qui que ce soit. Car encores
que soyez esleuée à ce grand degré d’honneur, si deuez-vous
d’vn méme œil receuoir le pauure & le riche qui vient
supplier vostre Majesté, afin que chacun au temps de sa
misere, ait recours vers vostre bonté & faueur, pour en
auoir du secours : souuenez vous que Dieu est par dessus
vous, & que telle que vous-monstrerez enuers le peuple,
aussi se monstrera-il enuers vous : Il vaudroit beaucoup
mieux n’ouyr aucunes plaintes, qu’apres les auoir entenduës,
ne donner à celuy qui se plaint aucun soulagement.
Et sur tout, MADAME, souuenez-vous s’il vous plaist que



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